Timelength : Le clou du spectacle
Arts visuels

Timelength : Le clou du spectacle

Avec Timelength, la commissaire Michèle Thériault propose une réflexion sur les représentations contemporaines et s’attaque à cette idée que l’image de nos jours est surpuissante.

Alors que presque tous, autant dans les médias que chez les philosophes et même les sociologues, prétendent que nous sommes à l’ère des images, que celles-ci se multiplient à l’infini et qu’elles sont surpuissantes, voici une exposition qui donne un autre son de cloche. L’événement Timelength est comme un antividéoclip, une antipub, un manifeste antizapping. Mais n’allons pas tout de suite conclure qu’il s’agit d’une mise à mort ou plus simplement d’une mise en déroute momentanée des pouvoirs de l’image. Cette expo nous oblige à réfléchir selon un angle de vue différent les représentations actuelles.

L’image a-t-elle autant de pouvoir qu’on le dit? Long débat que je ne pourrai malheureusement pas faire ici. Mais disons tout de même que cette prétendue force absolue de l’image fait bien l’affaire d’une quantité incroyable de maisons de pub, de journaux, de postes de télé qui vivent de ce concept et qui ont tout intérêt à ce que nous croyions à ce pouvoir.

Avec Timelength, on assiste à un renversement important, à notre époque où l’on consomme quand et où l’on veut les images: ici le spectateur doit attendre. Les projections des films de Michael Snow ou des artistes néerlandais Jeroen de Rijke et Willem de Rooij ne se font pas en continu, mais à des heures régulières. De plus, ces derniers n’offrent qu’un plan fixe de 10 minutes montrant un bidonville proche de Djakarta où il ne se passe presque rien, sauf la journée qui s’amorce. Attente aussi devant le film Up to the Eighth Floor (2004), de Gwen MacGregor, qui nous montre sur trois écrans des images d’un building où il ne se passe pas non plus grand-chose (pour ne pas dire rien) et qui nous donne le sentiment d’être un voyeur en attente d’une scène croustillante. Sentiment d’expectation aussi devant les Screen Tests d’Andy Warhol, les portraits saccadés de Pascal Grandmaison ou la vision d’un train ou d’un mur défilant dans l’installation de Jocelyn Robert. Chaque fois, l’événement que le spectateur attend impatiemment ne se produit pas.

Voilà une expo qui inverse le rapport de domination que nous avons de nos jours avec les images (à la télé en zappant ou dans les revues en tournant la page). Voilà une expo contre le coup d’œil et pour le regard scrutateur. Les artistes y réaffirment aussi leur fascination pour des moyens d’expression simples (contre les effets spéciaux), et parfois plus anciens (avec un fort intérêt pour le film et pas seulement pour la vidéo). À cet égard, il est important de dire comment, de nos jours, beaucoup d’artistes, autant dans le domaine visuel que musical, vont vers une certaine forme d’archaïsation. Les D.J. travaillent avec des disques vinyles, les chanteurs font des concerts unplugged avec juste une guitare… La modernité est moins technologique qu’on pourrait le croire.w

Signalons que le dimanche 12 décembre à 16 h, à la Sala Rossa (4848, boulevard Saint-Laurent), sera projeté Empire, un film d’Andy Warhol, long plan fixe de huit heures. Le catalogue de l’exposition sera, par la même occasion, mis en vente.

Jusqu’au 22 décembre
À la Galerie Leonard & Bina Ellen

Voir calendrier Arts visuels