Laboratoire climatique : Qui dit vrai ment peut-être…
Arts visuels

Laboratoire climatique : Qui dit vrai ment peut-être…

Transformés en Laboratoire climatique, l’Oil de poisson et le Centre Vu mettent des Paysages sous observation.

Le discours scientifique se donne toujours pour vrai. Il écarte le doute en limitant ses possibilités de façon rationnelle. Le discours artistique, lui, ne sait exister que par et dans le doute. D’un côté, la science, en s’appuyant sur des méthodes de recherche dites éprouvées et rigoureuses, prétend appréhender le réel et nous l’expliquer. De l’autre côté, l’art, en appuyant ses recherches sur l’intuition et le désir, ne donnerait à voir que l’irréel et nous plongerait dans le rêve et l’illusion. Bref, la science serait dans la réalité, l’art, dans la fiction et, entre les deux, une ligne bien nette se dessinerait. Admettons l’existence d’une ligne de partage entre le réel et la fiction. Non pas horizontale et étanche, mais verticale et transparente. Imaginons que, de son point le plus haut, il soit possible d’observer les mécanismes de construction du réel et de la fiction. Ce n’est qu’un jeu, bien sûr, mais c’est un jeu développé sous forme de Laboratoire climatique par Daniel Corbeil. Toujours inachevé, en continuelle transformation, le Laboratoire a récemment investi le Centre Vu et l’Oil de poisson. Sous des dehors de faux professeur Tournesol, Daniel Corbeil y observe, jusqu’au 19 décembre, les transformations que subit le paysage nordique sous l’effet des changements climatiques.

Plasticien de formation, Daniel Corbeil explore à la fois la photographie et la sculpture sans toujours les associer. Partie d’un projet évolutif, l’exposition Laboratoire climatique: Paysages sous observation fait toutefois appel aux deux pratiques de l’artiste. Le cliché photographique découpe arbitrairement le paysage observé et l’installation en démontre la construction. On a déjà beaucoup parlé de l’intérêt de Daniel Corbeil pour l’environnement, liant tantôt cet intérêt aux origines de l’artiste, né en Abitibi-Témiscamingue, tantôt aux menaces de plus en plus lourdes qui pèsent sur l’eau, l’air, la terre et sur toutes les formes vivantes. Intérêt indéniable qui alimente le travail de Daniel Corbeil sans toutefois le rapprocher du Land Art. Ou du moins, si le travail de Corbeil s’approche du Land Art, ce n’est que de façon volontairement illusoire.

Des paysages menacés sur une ligne de montage, des prises de vues aériennes auxquelles on pourrait croire ou encore une mise en scène ludique de la détérioration de l’environnement… Aucune prétention dans le travail critique de Daniel Corbeil, aucun désir de faire beau ou de dire vrai dans sa pratique plastique. S’il est un but poursuivi dans le Laboratoire climatique, c’est de démontrer, toujours sur un ton ludique et sans porter de jugement, que même la science ne peut approcher le réel sans filtre. D’un bout à l’autre du Laboratoire, des morceaux de paysages factices que l’on peut observer par le bout de la lorgnette. Des sommets montagneux couverts de crème glacée, un morceau en coupe de la croûte terrestre prête à fondre comme de la guimauve, un bout de terre nordique sur lequel dégouline du chocolat… Tout est construit à partir de presque rien ou de ce qui se trouve sous la main dans la cuisine, le garage, la poubelle, le bois, etc. Économie de moyens et maquettes de paysages qui ne ressemblent qu’à des maquettes. Plus loin, celles-ci révèlent leur volonté de faire illusion dans l’objectif de la caméra. "Ceci n’est pas vraiment un sommet enneigé, mais une ligne de partage entre le réel et l’illusion", nous dit Daniel Corbeil en dévoilant les dessous de ses paysages menacés et les mécanismes de construction de l’image. Le Laboratoire climatique se visite comme un laboratoire scientifique: on y entre pour y observer la transformation de la matière. Comme l’est l’environnement sous l’effet des changements climatiques, tous les Paysages sous observation resteront en transformation jusqu’au 19 décembre. Sous l’œil, bien sûr, du professeur Tournesol.

Laboratoire climatique: Paysages sous observation
Jusqu’au 19 décembre
À l’Oil de poisson et chez Vu

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