Christine Major : Collection privée
Arts visuels

Christine Major : Collection privée

Christine Major est la huitième artiste contemporaine invitée par le conservateur Stéphane Aquin dans la salle Zone libre, inaugurée à la fin 2001 au Musée des beaux-arts de Montréal.

La peinture a toujours la cote en art contemporain, et ce, même si depuis quelque temps d’autres médiums lui font la vie dure. Depuis une dizaine d’années, la photographie a, par exemple, pris son envol dans le marché de l’art international avec une montée vertigineuse de ses prix. Mais bon, la peinture est encore souvent la référence. Et parmi les références incontournables dans ce médium référentiel, il y a bien sûr le peintre flamand Luc Tuymans. Dans un récent article de la revue Artforum, le critique Jordan Kantor écrit comment toute une jeune génération de peintres s’inscrit dans la lignée de ce qu’il nomme "l’effet Tuymans".

Et il y a souvent dans la peinture de Christine Major des parallèles avec le peintre belge. Son exposition Vivarium, présentée au MBA, montre en effet des images un peu floues et parfois difficiles à lire, des peintures souvent réalisées avec un pigment très liquide créant des effets presque spectraux. Le cas le plus évident est certainement le tableau Habitacle, qui montre un singe venant chercher de la nourriture auprès de visiteurs assis dans une voiture, scène comme on peut en voir dans certains parcs animaliers soi-disant plus respectueux des bêtes.

Mais il ne s’agit pas ici de voir en Major une disciple ou une suivante de Tuymans (aucun thème politique ou postcolonial chez elle), mais plutôt de pointer une tactique de la peinture et, en général, de l’art actuel.

Dans ce dispositif pictural très contemporain, où souvent nous avons du mal à lire l’image exhibée, se trouve contrecarrée une pulsion scopique, un désir de voir le monde, de se l’approprier par le regard. Ces tableaux parlent des limites de ce sens. Et le sujet que Major a choisi pour son exposition (le vivarium ou le zoo) n’est qu’une illustration de cela. Bien sûr, ses œuvres pointent aussi le musée. Elles nous disent à quel point il y a, dans la collection, plus que le désir de posséder physiquement un objet (ou un animal ou même une plante dans un jardin botanique): il y a la possibilité de le voir quand on le veut. Il y a la sensation (trompeuse) de détenir le monde dans un espace qui, même s’il est très grand, reste à mesure humaine. La collection, c’est avant tout un retournement d’échelle qui fait que, par exemple, la nature démesurée se retrouve prisonnière dans l’espace limité d’un zoo.

La collection est d’abord une question de pouvoir. Mais le regard ne permet pas nécessairement de comprendre le contexte de vie d’un animal ou d’une œuvre d’art. Voilà tout le paradoxe mis en scène par Major. Elle signale comment le rêve moderne d’un regard surpuissant et d’images autoporteuses, autosuffisantes, donnant à voir le monde en un clin d’œil, n’est qu’illusion. Le savoir se dérobe au champ de la vision.

Jusqu’au 13 mars 2005
Au Musée des beaux-arts

Voir calendrier Arts visuels