26 Objets en quête d’auteurs : Les choses de la vie
Dans 26 Objets en quête d’auteurs, les artéfacts ne se contentent pas de raconter leur propre histoire, ils deviennent le point de départ d’une fiction littéraire. La vie de A à Z.
Il fallait y penser: demander à 26 auteurs québécois d’écrire un texte de fiction d’environ 250 mots en s’inspirant d’un objet appartenant à l’une des collections du Musée de la civilisation. Mais attention, pas n’importe lequel. Artéfacts et écrivains ont été jumelés en fonction de la première lettre de leur nom, de manière à couvrir l’ensemble de l’alphabet. Voilà qui n’est pas sans piquer la curiosité.
Ainsi, l’exposition 26 Objets en quête d’auteurs propose-t-elle non seulement une expérience de lecture inusitée, mais aussi une visite muséologique sortant de l’ordinaire, alors que les objets et les textes acquièrent, en se côtoyant, une toute nouvelle dimension, humanisation d’une part et matérialisation de l’autre. C’est donc loin du confort de notre salon, mais dans un décor néanmoins intime, que l’on parcourt les courtes œuvres littéraires, imprimées sur un rideau translucide suspendu devant l’objet auquel elles se rapportent. Disposés le long des murs et formant un îlot au centre de la salle, les objets se présentent dans le désordre – alphabétique – et prennent, par-delà le voile blanc, sous l’éclairage discret, des airs de mirages, comme s’ils devenaient eux-mêmes des fictions. Au sein de l’ensemble, ils se comparent plutôt à des photographies ornant les pages d’un livre. En fait, pour bien les voir, il faut jouer les espions et insinuer notre regard entre les pans de tissu, ce qui nourrit le mystère…
SPECTACLE DE VARIÉTÉ
Pour chaque lettre, on nous fournit une description de la pièce, une biographie de l’auteur ainsi que son texte (en français et en anglais). Ce n’est donc pas une mais trois histoires qui nous sont racontées et qui se présentent comme autant d’occasions de rencontre. Sans compter qu’en cherchant à faire connaître quelques-unes des pièces les plus signifiantes de ses collections, le Musée a rassemblé des objets variés qui, confiés à l’attention d’auteurs venant de tous les horizons (journalisme, littérature, chanson, théâtre, télévision, etc.), ont inspiré des œuvres diversifiées, multipliant les sujets, les points de vue et les tons. De la mise en abyme de François Avard à un instant dans la vie d’un zouave pontifical, en passant par des souvenirs d’enfance ou d’une autre époque, les choses deviennent tantôt protagonistes, tantôt témoins, quand elles n’atteignent pas une dimension mythique ou ne s’effacent pas derrière l’idée à laquelle elles renvoient. Partant souvent d’une question: qu’est-ce que cet objet a à raconter?, jouant parfois avec la première lettre du mot et passant difficilement à côté du thème de la mémoire, quelques-unes des œuvres y vont d’un discours plus insistant, voire moralisateur, mais la plupart racontent de belles histoires, aux personnages bien vivants, et nous charment par leur esprit. Amusants, poétiques ou émouvants, les différents récits ont tous le mérite de nous plonger dans des univers riches et personnels.
MORCEAUX CHOISIS
Ainsi, certains textes s’avèrent particulièrement amusants, qu’on pense, entre autres, au poème à la manière de Voltaire de Guy Fournier, à qui le fauteuil percé de style Louis XIII a inspiré une réflexion tout ce qu’il y a de spirituel… Ou encore, à la sarcastique leçon d’histoire et de politique de Jean-Claude Germain, qui y va d’une analogie entre le grille-pain à neuf tranches de l’Assemblée nationale et le régime Taschereau. De leur côté, le délire kafkaïen de Patrick Quintal, mêlant jeux de mots et de quilles, ainsi que la lettre imaginaire de Gustave Flaubert à Guy de Maupassant, signée Robert Lalonde, ne sont pas non plus pour manquer de style. L’ode au juke-box de Claude Jasmin, mariant vocabulaire sacré et nostalgie toute charnelle, touche quant à elle par son caractère vibrant. Tout comme, d’ailleurs, les questions d’Arlette Cousture à la dame ayant réalisé le couvre-lit "boutonnu", à travers lesquelles se dessinent divers destins de femmes, de même que le récit de Sergio Kokis, où un kimono porte le souvenir de gestes élégants, d’un visage d’albâtre, d’une chevelure parfumée et de "la saveur verdâtre du matcha". Quant à l’histoire toute simple imaginée par Michel Tremblay à l’examen du tableau d’Henry Richard Bunnett représentant la place Royale (1887), elle illustre de manière humaine la nature immuable de l’art, tandis que, dans celle de Marie-Francine Hébert, une horloge marque avec finesse les grands moments de la vie: la mort, quand le temps s’arrête, et l’amour, quand le temps ne compte pas…
À noter que le livre de l’exposition est publié aux Heures bleues et que des entrevues avec les auteurs seront bientôt mises en ligne au www.mcq.org/fr/mcq/auteurs.html.
Jusqu’au 2 janvier 2006
Au Musée de la civilisation
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