Ælab : Matériaux conducteurs
Le duo artistique Ælab nous propose, au Centre Saidye Bronfman, une réflexion sur les limites entre l’art et la science.
Ælab, "l’unité d’artistes" formée de Gisèle Trudel et Stéphane Claude, a effectué une résidence de création au laboratoire nano du département de chimie de l’Université McGill. Ils ont soumis toute une série d’échantillons (toiles d’araignée, morceaux de bois, de charbon et de silicate, fragments de libellule…) à des microscopes atomiques. Et étrangement, les images résultantes ont une présence indéniable et des qualités artistiques surprenantes. Doit-on conclure que la nature est une grande créatrice et que la technologie produit par elle-même de l’art? Va-t-on se débarrasser des artistes? Dans le futur, les stars des arts visuels seront-elles des machines? Pas sûr.
Les artistes d’Ælab ont, bien sûr, choisi leurs images et la mise en scène spatiale pour nous les montrer. Avec leur intervention (l’espace semble presque vide), la galerie très moderne du Centre Bronfman devient un peu plus futuriste et prend des airs de laboratoire ou de centre de recherche dans un film de science-fiction. Mais il y a plus intéressant.
Cette expo nous ramène à une des leçons de l’art moderne: il n’y a pas de matière ou d’outils qui ne puissent être récupérés et utilisés par les artistes pour créer. Je me souviens de la dernière expo de Paterson Ewen (un des plus grands peintres que le Canada ait connus) à la Galerie René Blouin. Il y exposait, entre autres choses, des pastels pulvérisés au marteau entre deux feuilles de papier. L’artiste m’avait alors confié comment on peut aussi devenir un virtuose du marteau, comme on peut l’être du pinceau ou du violon… Sa phrase me plaisait, car j’y voyais presque un hommage marxiste au travailleur (le critique gauche caviar en moi étant content). Mais au-delà du sens politisé que j’y ai entendu, il y a dans cette remarque un propos très juste sur le fait que l’art se produit dans la familiarité avec les techniques, c’est-à-dire dans la capacité de l’artiste de les détourner de leur usage habituel.
Avec l’expo Data, présentée par la commissaire Sylvie Gilbert, le groupe Ælab nous amène à réfléchir sur les moyens d’expression de l’art. Je vous conseille d’aller visiter cette expo en fin de journée, quand la galerie est ouverte plus tard le soir (jusqu’à 21 h du lundi au jeudi), pour pouvoir voir et apprécier le vidéo qui est projeté seulement à partir de 16 h. L’ambiance générale est aussi plus intense.
Signalons que dans le cadre de cette expo aura lieu une table ronde ayant pour titre Science Vision. Elle réunira les artistes d’Ælab ainsi que Bruce Lennox, directeur du département de chimie de l’Université McGill, Christine Ross, directrice du département d’histoire de l’art de l’Université McGill et Vicki Meli, doctorante en chimie. La rencontre aura lieu le 11 janvier à 17 h 30.
Jusqu’au 16 janvier
À la Galerie Liane et Danny Taran du Centre Saidye Bronfman
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