LE MUR : Notes arts visuels
Au Lobe, Jako Restikian a bâti un mur au milieu de la pièce. Un mur courbe, fait de grandes feuilles de bois posées côte à côte sur des contenants de verre. Ce mur est creux, mais il n’est pas vide. De l’intérieur surgit un bruit à intervalles irréguliers, un bruit dérangeant, inquiétant, presque une douleur. Assez loin devant ce mur grandeur nature se tient un tout petit mur, toujours en bois, à l’image du grand, presque en tous points pareil. Comme abritée par ce petit mur est posée la statue d’un homme nu, allongé sur le côté. Voilà l’exposition Quiétude double, présentée jusqu’au 13 février à la Galerie Le Lobe. Devant ce mur à échelle humaine, qui ne soutient rien, qui ne sépare rien, qui ne fait pas partie de la structure d’un bâtiment, plusieurs questions se bousculent. En dévoyant le mur de ses fonctions initiales, de ce qui le caractérise en tant que mur, l’artiste interroge les concepts de signifiant et de signifié formant le signe et s’intéresse à l’idée du mur, à son sens, à son essence. "Le petit mur représente le mur type, le mur comme mythe", explique Jako Restikian. "C’est un peu comme si tu prenais un concept comme la démocratie, illustre-t-il. Il y a l’idée de démocratie, la démocratie idéale, si tu veux. Mais dans les faits, dans la réalité, il n’y a pas de concept type. Il n’y a pas qu’une démocratie, elle peut varier d’un pays à l’autre, d’un individu à l’autre… Nous sommes entourés de petits mythes." Par cette installation, ce sont aussi toutes les questions entourant l’histoire et la mémoire qui sont convoquées, notre mémoire individuelle et notre mémoire en tant que peuple. "On vit dans un monde sans oubli, mais sans mémoire", cite de mémoire l’artiste, paraphrasant Baudrillard. Une exposition qui mène loin, pour peu qu’on se laisse porter par les réflexions qu’elle suscite.