PEINDRE L’ÉCRITURE, ÉCRIRE LA PEINTURE : Notes arts visuels
Ce qui frappe en entrant dans la galerie de Langage Plus, ce sont ces grandes toiles de couleurs soutenues, du jaune éclatant, du rouge flamboyant, du noir, du vert, un peu de rose. De loin, on jurerait des affiches, de grandes réclames publicitaires, ou encore des drapeaux, puisque ces couleurs sont le plus souvent divisées en bandes égales. En se rapprochant, on remarque que ces bandes sont composées d’une multiplication de couches superposées de traits d’écriture cursive, devenue illisible. On croirait à un tissage (d’ailleurs, on se souvient que les mots tisser et texte viennent de la même racine). "C’est un vrai texte ", précise l’artiste Véronique Savard, originaire de Chicoutimi, "un vrai texte d’une vingtaine de pages, que j’ai composé, que je continue de composer. Il parle de la peinture. C’est ce texte que je recopie sur toutes mes toiles." En fait, la peintre travaille aussi avec la mémoire, puisque c’est par cœur qu’elle trace et retrace chacune des phrases qui composent le texte original. Avec la mémoire vient aussi la temporalité. "L’écriture est un geste qui prend du temps, qui s’inscrit dans le temps, tout comme la lecture, tandis que dans une œuvre picturale, il y a un côté instantané. Ça nous saute au visage." Cette accumulation d’écriture, rendue incompréhensible, fait l’effet d’un trop-plein de mots qui se bousculent en bouche lorsqu’on veut expliquer trop vite, ou trop en dire en même temps. Ou encore l’effet d’une effervescence d’idées en tête qui embrouillent le cerveau à force de bouillonner. "C’est aussi l’idée de la volonté de communiquer quelque chose, alors que la parole reste prise, que le texte reste pris", continue l’artiste. "Dans mes œuvres antérieures, j’avais déjà commencé à intégrer de l’écriture, des bribes de texte. Cette fois, j’ai voulu aller au bout de cette idée, et me servir complètement de l’écriture, l’utiliser carrément comme technique." La peinture s’est crucifiée croyante et s’est dispersée distante est présentée à Langage Plus, à Alma, jusqu’au 13 février.