Chantal Dahan : Décalage horaire
Arts visuels

Chantal Dahan : Décalage horaire

L’exposition de Chantal Dahan, présentée depuis le 16 janvier à l’AXENÉO7, nous offre l’occasion de voir la production la plus récente de l’artiste, Les Vacances de Mme  Dahan.

Nous connaissons déjà sa démarche, axée autour de l’interdépendance de la mémoire privée et publique. Depuis presque 10 ans, Chantal Dahan puise une bonne partie de ses sources iconographiques dans son fonds d’images familiales. Rappelons-nous l’œuvre vidéographique L’Essence des souvenirs (2001), qu’elle présentait sur le toit d’une station-service au carrefour de deux artères achalandées de Hull. On y voyait défiler des images qu’elle associait à un voyage dans la voiture familiale de sa jeunesse; Dahan se présentait pour une première fois en utilisant la première personne, afin de faciliter le rapport avec le regardeur, appelé lui-même à s’identifier à son histoire, à retourner dans ses propres souvenirs par le biais de ceux qu’on lui présentait.

Dans Les Vacances de Mme Dahan, "l’histoire personnelle se fond dans la mémoire et l’identité collective. Mme Dahan, c’est ma mère, c’est moi, c’est madame (et monsieur) Tout-le-monde. C’est également un ou une touriste, un acteur ou une actrice, et un miroir collectif". Cette fois-ci, l’artiste nous offre une référence sans équivoque à la mémoire collective en rappelant le film Les Vacances de M. Hulot (1953) de Jacques Tati. Le travail qu’elle nous présente en est imprégné, les références au film se fondent aux images rapatriées de ses archives familiales. Cet ensemble réussit à nous faire voyager entre l’œuvre de Tati, les vacances de Mme Dahan et nos propres souvenirs.

Le voyage se fait dans une dimension spatiale, parce que Chantal Dahan a introduit un élément entièrement détaché de sa propre histoire: la réplique du chariot de crème glacée qui apparaît régulièrement dans le film de Tati. Chaque côté a été remplacé par une image de l’enfant qui transporte les deux glaces dans le film. Le mot glace apparaît en filigrane sur chacune de celles-ci. Un des deux mots est cependant le miroir de l’autre (glace est réfléchi dans la glace). En établissant ce jeu de mots, Dahan a également mis en abyme la structure spatiale de son exposition, où elle place le regardeur dans l’espace du film, en même temps que dans celui de la galerie. Bref, ce chariot à glaces agit comme un chemin de traverse.

Dans son enfance, l’artiste avait l’habitude d’imiter les personnages des films qu’elle pouvait voir à la télévision; c’est là qu’elle a intégré Hulot à ses souvenirs. Cette anecdote rappelle également la stratégie de Tati, qui renvoyait une image des gens qui, quoique caricaturale, était puisée dans leur réalité quotidienne. Hulot, c’était une image collective aussi.

L’exposition de Dahan commence avec une installation vidéographique aux propriétés acoustiques très nuancées, grâce à huit canaux audio. Dans une deuxième salle, le chariot et une installation interactive cohabitent avec le montage de 12 séries d’images du film, parmi lesquelles Dahan a inséré ses images familiales. Enfin, au fond de la salle, d’autres montages parachèvent l’exposition.

Dans ce travail, Chantal Dahan nous révèle progressivement une correspondance entre la mémoire collective et celle qui est plus intime et personnelle.

Notons que nous pouvons aussi voir simultanément, dans deux autres salles de l’AXENÉO7, l’exposition de l’artiste Vera Greenwood, qui nous présente Street Photos.

Jusqu’au 13 février
À l’AXENÉO7

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