Égypte éternelle : La mort vous va si bien
Avec l’expo Égypte éternelle au Musée des beaux-arts, la sélection d’art égyptien que fait circuler en Amérique le British Museum en est à sa dernière escale.
Ne vous laissez pas rebuter par son titre qui manque totalement d’originalité (l’Égypte ancienne a beau avoir une histoire s’étalant sur plus de 3000 ans et des racines remontant à il y a plus de 5000 ans, elle ne fut guère "éternelle"): voici une expo de haut niveau dont les œuvres réunies sont d’une qualité exceptionnelle.
Cela débute en grand, avec plusieurs surprises. La première salle rassemble une série de nus. Des sculptures d’une grande grâce. Pour ceux qui, comme moi, se sont fait dire dans des cours d’histoire de l’art que c’est la Grèce qui a inventé le nu, et qui du même souffle lui a donné sa souplesse, son élégance, son charme, voilà qui aura de quoi surprendre. Ces nus qui datent de la seconde moitié de l’Ancien Empire ont donc été réalisés entre 2345 et 2181 avant Jésus-Christ, très longtemps avant les débuts de l’art grec archaïque (du 8e au 5e siècle av. J.-C.)! L’une d’entre elles, la Figure nue du chancelier Tjetji, est une œuvre d’une grande délicatesse, donnant un certain sentiment de mouvement, et ce, bien avant l’époque classique grecque qui a su transmettre ce sens de présence vivante à ses statues. La figure nue (en ébène et sycomore) de Méryrêhashtef marchant est aussi une grande réussite, louangée par le sculpteur Henry Moore, lors d’une visite au British Museum en 1980, qui y voyait une "énergie physique sous tension". Le texte du catalogue explique que les historiens ne savent toujours pas pourquoi "durant une courte période de l’Ancien Empire et de la Première Période intermédiaire, Tjetji et d’autres ont opté pour des statues funéraires dépourvues de signes matériels" et les montrant donc nus. Voilà le type d’informations importantes que vous pourrez lire dans le catalogue et qui auraient dû être présentes sur des panneaux explicatifs.
C’est le seul reproche (majeur) que je ferais à cette exposition. La structure générale est bien trop centrée sur l’histoire alors que toutes les œuvres appellent à des commentaires d’ordre théorique, esthétique, comparatif… Il me semblait pourtant que les expositions d’histoire de l’art, depuis une trentaine d’années, avaient dépassé ce cadre froid de la simple chronologie pour aller vers une lecture des œuvres présentées. Le Musée des beaux-arts s’est d’ailleurs fait le porte-parole de cette histoire de l’art, offrant une lecture interprétative des œuvres avec des événements comme Les Années 20, Cosmos, Triomphes du baroque, Picasso érotique, Hitchcock et l’art…
Mais bon, en conférence de presse, les commissaires disaient vouloir laisser la beauté des œuvres s’exprimer… Et le visiteur attentif pourra en effet voir l’inventivité visuelle des artisans égyptiens, et ce, même si le modèle historique nous dit que cet art n’a presque pas changé pendant 3000 ans.
Les statues-cubes (assises sur le sol, les bras croisés en signe d’humilité) du Nouvel Empire sont d’une pureté formelle digne des grands sculpteurs modernes du 20e siècle et sont un des points marquants de cette expo. On appréciera aussi la présence d’œuvres de toutes les époques, autant celle du célèbre Toutankhamon que celle du réformateur Akhenaton, ainsi que de masques funéraires et de couvercles de cercueils qui ont fait auprès du public la renommée de l’art égyptien.
Toute une série de conférences et de projections de films accompagneront cette exposition. Signalons que jusqu’au 27 février seront projetés, à l’auditorium Maxwell-Cummings, les films Champollion, un scribe pour l’Égypte de Jean-Claude Lubtchansky et L’Aigle et le Sphinx de Jacques Barsac… Renseignements sur les dates et heures de projection: www.mbam.qc.ca/fr/calendrier/cette_semaine_au_musee.html.
Jusqu’au 22 mai
Au Musée des beaux-arts
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