Au fil de mes jours : Le printemps des Indiens
L’exposition des œuvres d’Au fil de mes jours dans un musée porte un sens politique; pour les artistes amérindiens, c’est une reconnaissance des plus appréciées. À la recherche de l’autochtone en nous.
Voilà une fort intéressante exposition collective soulevant des questions identitaires et historiques. C’est à la commissaire Lee-Ann Martin du Musée des beaux-arts d’Ottawa que le MNBAQ a demandé de réunir huit artistes canadiens d’origine autochtone, en portant un éclairage particulier sur les artistes du Québec. C’est fait avec sensibilité et honnêteté. Ce n’est pas une première, mais c’est important. Comme l’écrit Lyne Ouellet dans le catalogue, "depuis plusieurs années les pratiques autochtones sont intégrées au système de l’art au Canada". L’art témoigne de décennies d’affirmation: elle passe des premières générations des années 60, avec en tête Norval Morisseau, au développement "d’une esthétique de décolonisation" dans les années 80, jusqu’à Rebecca Belmore, qui ne sera pas la première artiste autochtone à représenter le Canada à la Biennale de Venise, à laquelle elle participe l’été prochain.
Première constatation: ils partagent tous – Rebecca Belmore, Hannah Claus, David Garneau, Faye HeavyShield, Neal McLeod, Nadia Myre, Sonia Robertson et Frank Shebageget – un même langage: celui des arts visuels. Il y est question de souvenirs personnels, d’histoires ancestrales, de mémoire collective, de "montrer les blessures coloniales". Souvent au moyen de formes éprouvées de l’art contemporain, mais la plupart n’ont pas peur des profondeurs. Neil McLeod de Regina se démarque avec deux simples peintures. Cri de Saskatchewan, le peintre et poète ouvre une porte à la connaissance de la culture crie, en mettant en scène un vampire légendaire, le wîhtikow. Ses tableaux, bruts, gestuels, sont sans aucun lyrisme. Dans sa création d’images, Neal McLeod cherche à trouver et à activer "l’essence du fait d’être Cri". Et le résultat est parfaitement bizarre.
Blood on the Snow de Rebecca Belmore est d’un grand impact visuel. L’œuvre dénonce la violence autant historique que contemporaine. Une malheureuse nécessité, mais une œuvre d’une grande beauté. Avec l’installation in situ Refaire l’alliance, Sonia Robertson convoque l’histoire. On ne saurait trop remercier l’artiste innue de Pointe-Bleue (au Lac) de rappeler la vision stéréotypée véhiculée de l’Indien par la scène gravée à même les pierres du Musée à l’entrée du Pavillon Gérard-Morissette. Le bas-relief de 1933 illustre l’arrivée de Champlain… Cette référence n’est pas explicite dans Refaire l’alliance. Dans l’espace, des ceintures wampum descendent du plafond pour créer un lieu de paix qui revisite l’histoire avec mille perles et invite l’esprit des arbres des Plaines comme témoin du passé. À l’instar de Neal McLeod, qui a trop vu les siens "consumés par la ville", Robertson défend avec urgence sa culture autochtone. Même engagement pour Frank Shebageget. L’artiste de Thunder Bay fait la nomenclature de signes du colonialisme, maisons, avions…
Et l’autochtone en nous? Animée par le désir de "penser" les blessures coloniales accumulées dans les mémoires, je cherchais l’autochtone en moi. J’ai trouvé le Nègre blanc d’Amérique et les mots de Pierre Vallières: "Nos ancêtres sont venus ici dans l’espoir de commencer une nouvelle vie. Ils étaient, pour la plupart, soldats ou journaliers. Les soldats sont venus longtemps après Champlain, pour combattre les Anglais, et ils demeurèrent en Nouvelle-France, parce qu’ils n’avaient pas l’argent nécessaire pour retourner dans la métropole." Nous sommes devenus coureurs des bois, fermières, bûcherons, critiques d’art… Et c’est ainsi que l’art nous parle. De la richesse des identités. Des limites de l’altérité. Et de toutes les fraternités que cette conscience rend possibles.
Jusqu’au 24 avril
Au Musée national des beaux-arts du Québec
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BLOC-NOTES
MOIS MULTI (LA SUITE)
À chaque édition du Mois Multi, les soirées de théâtre sont réjouissantes; le théâtre dans sa définition la plus libre et la plus large. Est-ce étonnant? Les gens de Recto-Verso, fondateurs et organisateurs de l’événement, sont d’abord des gens de théâtre. Ils ont le don de dénicher des créateurs originaux. Il en va ainsi de Akhe Russian Engineering Theatre, qui inaugurait ce mois hybride. La troupe russe a présenté un spectacle drôle et débordant.
N’hésitez pas une seconde à être des prochains shows de ce Mois Multi. Un des prochains rendez-vous: Faisceau d’épingles de verre, les 10 et 11 février, et ainsi de suite du mercredi au samedi chaque soir de février. Notez aussi que Marc Fournel présente un truc non identifié le mardi 16 février à 17 h.
20E DE LA GALERIE TROMPE-L’OIL
Pour souligner l’anniversaire de la galerie du Cégep de Sainte-Foy, sa coordonnatrice Nancy Saint-Hilaire a invité des artistes ayant exposé à la galerie à s’y retrouver. C’est là que Martin Bureau a exposé pour la première fois. Les BGL, François Chevalier, Gabriel Routhier, Paule Genest, Carole Baillargeon, Jacques Samson, Helga Schlitter, Hélène Rochette, Laurent Gagnon y sont aussi représentés. Une rencontre exceptionnelle. À voir, jusqu’au 28 février.
À VOIR ABSOLUMENT (SI CE N’EST PAS DÉJÀ FAIT)
En résidence de production chez Vu à l’automne 2004, François Chevalier y a exploré la photographie. Connu pour ses gravures, dessins de papillons et autres insectes, Chevalier est allé à l’essence technique de la photo. Le résultat est franc et généreux. Ici, pas d’énigme à résoudre. On retrouve ses insectes favoris, qu’il a cette fois écrasés entre des papiers transparents qu’il a ensuite utilisés comme négatifs, nous montrant les insectes dans leur présence définitive. Comme à son habitude, Chevalier livre la marchandise. Avis aux retardataires: l’exposition se poursuit jusqu’au13 février. Chez Vu.
VERNISSAGES…
Marc Dugas présente Faits divers et d’autres natures – Installation le jeudi 10 février dès 16 h, à la Galerie des arts visuels. Aussi, le 10 février chez Rouje, inauguration d’activités périphériques du Mois Multi.