Gabriele di Matteo : Dévoiler l’histoire
L’œuvre installative de Gabriele di Matteo, artiste italien de renom, est présentée pour la première fois au Canada cet hiver à la Galerie 101. La Nuda Umanità 2 ou L’Histoire mise à nu 2: une exposition qui demeure toutefois très actuelle.
Malgré les 160 tableaux et les deux projections vidéo, La Nuda Umanità 2 ou L’Histoire mise à nu 2 n’offre pas le caractère sérieux des musées, c’est même drôle à certains égards, mais toujours intelligent.
Gabriele di Matteo est bien connu pour son travail qui s’en prend aux mécanismes de production de sens dans les images. En d’autres mots, sa démarche s’apparente au scepticisme philosophique, c’est-à-dire: "comment puis-je connaître, puisque je n’ai que mon expérience des faits?"
Déjà, dans les années 90, di Matteo évoquait une certaine imposture dans des biographies d’hommes célèbres. Il y voyait des stéréotypes comme dans une hagiographie typique: une correspondance entre la vie de ces derniers et une structure narrative pré-établie et destinée à légitimer le caractère historique de la vie de ses sujets.
Si les textes arrivent à nous faire croire à la véracité des faits, il en est ainsi pour les images, les portraits et les tableaux historiques qui, nous le savons, entretiennent ce même genre d’impostures.
Les tableaux présentés à la Galerie 101 se soumettent aussi à ce regard critique. Les 160 images (dont 4 sur l’histoire canadienne qui ont été spécialement créées pour l’exposition) semblent relater de grands moments de l’histoire occidentale, de l’homme de Neandertal jusqu’aux moments actuels. Di Matteo soulève le voile et nous montre une histoire complètement dénudée, autant parce qu’il sait que ces images sont des interprétations postiches des faits que parce qu’elles présentent des personnages nus, affichant ainsi leur non-conformité aux tableaux historiques. Grâce à ce dernier dispositif d’élimination, il cloisonne la représentation, il élimine un élément important de la conception des tableaux d’histoire, c’est-à-dire l’habillement.
Au sein du travail de di Matteo, il y a une autre dimension tout aussi importante qui vient le compléter: ce n’est pas l’artiste lui-même qui peint ses toiles, mais un artiste-copiste auquel il commande ses tableaux. En agissant ainsi, il soustrait sa propre subjectivité de l’image et "s’annihile en tant qu’auteur" afin de se consacrer entièrement à l’analyse des structures de langage des tableaux.
Non seulement di Matteo tente de dévoiler l’histoire, mais il joue aussi sur sa fatalité, si nous considérons les deux vidéos. La première (2000) nous montre l’artiste-copiste en train de produire les toiles pour Gabriele di Matteo, lui-même nu, s’interrogeant sur les intentions de l’artiste et fredonnant des chansons napolitaines traditionnelles. La deuxième vidéo (2004) est censée reproduire la première. Di Matteo a commandé une autre série identique au peintre et lui a demandé de jouer son personnage tel que dans la première vidéo.
À cet égard, et afin de conclure, considérons que di Matteo assume le rôle de reproducteur de faits historiques pour, conséquemment, que nous nous y soumettions sans trop rouspéter, car nous acceptons depuis très longtemps la reproduction picturale de faits historiques comme une forme d’homologation, sans questionner ses codes récurrents.
L’exposition est accompagnée d’une publication, Gabriele di Matteo: Ouvres 1986-2002, qui dresse un bilan rétrospectif de la carrière de Gabriele di Matteo et nous éclaire sur la singularité de l’artiste. L’histoire prend fin le 26 février.
Jusqu’au 26 février
À la Galerie 101
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