La Vie immobile : Nature morte?
Avec La Vie immobile (Dead Nature), la Galerie d’art d’Ottawa dépoussière la traditionnelle nature morte au moyen de l’interprétation novatrice de trois artistes canadiens.
Comment interpréter la nature morte en 2005? Louis Joncas, Rachel Echenberg et Kelly Mark nous proposent des vanitas, façon contemporaine.
Les vanitas des 16e et 17e siècles portaient un regard critique sur l’opulence de leur époque en présentant des compositions saturées de fleurs, de fruits et de carcasses d’animaux. Avec les nouvelles technologies, la pollution, les disparités sociales, la consommation à outrance, sommes-nous encore capables de porter un regard détaché mais éclairé sur les valeurs véhiculées par notre société?
Louis Joncas trouve une piste de réponse en réactualisant la nature morte grâce à ses photographies de grand format étalant devant nous des déchets, tels des objets précieux tout aussi valides que les voluptueux fruits d’autrefois. Les 12 photographies proviennent de deux séries pertinemment intitulées Série Vanitas et Série Détritus. Créées entre 1994 et 2003, les œuvres de Joncas reprennent des éléments ordinaires et éphémères d’une vie, tels les jouets brisés, les déchets de table, les condoms, les poussières de la sécheuse et même la drogue. Les images puissantes renferment un monde en elles-mêmes, l’évocation d’une action a priori banale mais faisant allusion au gaspillage et à l’indifférence au quotidien. Les rebuts de notre modernité ainsi disposés et offerts à notre analyse ne peuvent qu’illustrer de façon cinglante la disparité entre notre style de vie et celui d’autres pays moins fortunés. Les photographies nous renvoient à notre responsabilité, à nos choix sociaux et individuels.
Pour sa part, l’artiste Rachel Echenberg inverse les rôles: l’Homme est passif et subit les affres de la nature. La vidéaste présente une série intitulée Blanket, qui met en scène un personnage inanimé dans diverses situations. La vidéo Blanket (Snow) nous montre une jeune femme emmitouflée, couchée sur un banc de parc. Une forte neige tombe et elle en est recouverte. Est-elle morte? Dort-elle? A-t-elle choisi de son propre gré de se reposer ainsi? L’artiste doit physiquement endurer les conditions naturelles, s’adapter à son environnement. Dans Blanket (Tides), c’est la mer qui éprouve l’artiste allongée sur la plage, tout près de l’eau. Et la marée monte… La vidéo Blanket (Pigeons) montre notre personnage littéralement submergée par une flopée de pigeons qui s’en donnent à cœur joie. Dans ses vidéos, Echenberg se transforme en objet inerte, en rebut que la nature récupère, recycle et décompose.
L’artiste Kelly Mark présente des œuvres très différentes les unes des autres; leur lien avec le thème de l’exposition est donc moins évident. L’œuvre intitulée Knife Collection, un ready-made, est composée d’ustensiles de cuisine collectionnés par l’artiste et simplement ordonnés au mur sur une tige métallique aimantée. Cette œuvre documente et présente des artéfacts et le kitsch de la vie quotidienne. The 12 Apostles consiste en une série de 12 grandes impressions couleur d’un mannequin photographié tous les mois. Ces images aux couleurs vives attirent le regard, mais ce sont les détails qui fascinent. Le regard figé est toujours le même, mais les réflexions dans la vitrine témoignent du temps qui passe. Une image de la femme figée dans le temps, aux prises avec notre société de consommation.
Jusqu’au 27 mars
À la Galerie d’art d’Ottawa
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