Argent sacré, sacré argent! : Billet doux
Argent sacré, sacré argent! est une des plus intéressantes expositions que le Musée de la civilisation a produites récemment. Les objets rares et anciens ainsi que les collaborations d’artistes font le tour de la question.
Le Musée de la civilisation est un musée de société qui assume pleinement son rôle pédagogique et même un peu plus en ayant parfois des velléités artistiques. La plupart des expositions s’envisagent comme ces beaux livres dans lesquels on trouve à la fois agréments et connaissances. Ce dernier cru sur l’argent ne fait pas exception. On y apprend une foule de choses et nous en ressortons éclairés sur la "nature magique" de l’argent, découvrant une foule d’aspects réservés jusqu’ici aux seuls anthropologues! Le Musée en met plein la vue avec 200 objets rares et anciens. Avec la collaboration d’artistes, il a voulu faire de cette exposition "une gigantesque installation". Cela est discutable. Mais l’essentiel est là. L’essentiel, ce sont les objets rares et anciens qui donnent à cette visite tout son sens. On peut y voir en effet une impressionnante et précieuse collection de monnaies antiques, dont une pièce de monnaie frappée par Crésus lui-même. Une curiosité? On comprend enfin l’origine de l’expression "riche comme Crésus". C’est toujours fascinant de voir tous ces objets qui ont traversé le temps, comme l’arbre de monnaie chinois de la dynastie Han.
L’autel taurobolique est aussi un des objets importants de cette exposition. Il servait au sacrifice antique du taureau. La pierre de calcaire de la fin du IIe siècle avant J.-C. témoigne de l’hypothèse selon laquelle la monnaie aurait son origine dans les "sacrifices visant à obtenir la protection divine […] Les animaux sacrés auraient ainsi constitué la première forme de monnaie". L’autel, provenant du Musée d’Aquitaine de Bordeaux, est présenté dans une installation de l’artiste Hubert Soucy, devant laquelle on se dit: "Que ces metteurs en scène se compliquent la vie!" Une pierre est une pierre! Pourquoi tant d’enrobage? La chose a pour but d’attiser les sens, la vue probablement. D’ailleurs, la plupart de ces présentations "dynamiques" et plusieurs de ces collaborations d’artistes sont à envisager d’abord comme faisant partie de stratégies de séduction pour mieux guider vers l’objet et apprendre l’histoire à travers lui.
Puisque le Musée a invité des artistes, parlons-en encore un peu. Le Musée a aussi commandé une installation à Marc Fournel sur les désirs et les délires que suscite l’argent. L’"installation multimédia" qu’il a réalisée est constituée de deux projections vidéo et de détecteurs de mouvement. On retrouve ici les ingrédients habituels du genre. Quoique les propos tenus sur les deux superbes écrans soient tout à fait intéressants, on se demande dans quelle mesure les détecteurs de mouvement – dont on perçoit à peine, voire pas du tout, les effets – participent réellement au sens. Enfin, puisque l’essentiel demeure les images sélectionnées, il faut prendre le temps de bien les regarder. À un moment donné, un millionnaire fait une réflexion qui exprime la frivolité de l’ivresse que lui procure la richesse: "L’argent, c’est comme l’énergie, il faut que ça circule!" Une des curiosités de l’exposition est aussi le "bassin du destin". Nous sommes invités à lancer des pièces de monnaie dans un bassin d’eau où sont projetées des images de poissons rouges en mouvement. Devant ce bassin, on se questionne sérieusement sur les finalités de l’imitation, voire sur la vacuité de la représentation. Ce n’est pas rien! Ce bassin agit comme repoussoir: vivement une vraie fontaine, un vrai ruisseau, de vrais poissons! Je ne saurais dire pourquoi, mais je préfère encore la simplicité toute relative de l’authentique pépite d’or (le métal fétiche par excellence), un morceau de trois onces provenant du Klondike au Yukon. Gageons que vous irez y jeter un coup d’oeil…
Jusqu’au 19 mars 2006
Au Musée de la civilisation
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VERNISSAGES
C’est ce jeudi 10 mars que débute Le Seuil, l’exposition des œuvres de 17 finissants en arts visuels de l’Université Laval. Le Seuil, titre de ce collectif, est envisagé dans le sens de la physiologie et de la physique. Il "correspond à une limite au-dessous de laquelle un stimulus et un phénomène ne provoquent plus d’effet. Qu’en est-il de l’activité artistique?" demande Bernard Paquet, directeur du programme de maîtrise. À voir jusqu’au 27 mars à la Galerie des arts visuels de l’Université Laval.
Rouje présente jusqu’au 27 mars prochain Métamorphoses, rassemblant des photographies numériques de l’artiste Tanya Morand, Femme en rose, une série d’autoportraits de Mylène Michaud, ainsi qu’une installation de Djino Cantin. L’inauguration a lieu ce jeudi 10 mars dès 17 h.