Mohamed El Baz : Tête d'affiche
Arts visuels

Mohamed El Baz : Tête d’affiche

Bricoler l’incurable… de Mohamed El Baz est une des expositions d’art actuel à voir en ce moment. Voilà exactement le genre de proposition qui fait apprécier l’art en marche.

Tout y est: l’exploration formelle, l’intensité, la richesse de contenu. C’est dans le très underground espace d’exposition du Lieu que cela se déroule. Comme le dit Richard Martel, directeur du centre: "Mohamed El Baz est un artiste en pleine possession de ses moyens." L’artiste français (Lillois) d’origine marocaine présente au Lieu les photographies (de grands portraits) et les vidéos qu’il expose depuis plusieurs années. Il recycle ses œuvres et y joint constamment des éléments nouveaux qu’il crée au gré de ses parutions publiques. Bricoler l’incurable est un titre générique qui embrasse toute la production de l’artiste.

Au Lieu, il joint à son répertoire, le temps que dure l’exposition, un assemblage assez étrange. Au mur, un miroir est entouré de couteaux plantés directement dans les précieuses (!) cimaises du Lieu. Tout près, l’artiste a esquissé son autoportrait. C’est aussi simple que complexe. En fait, cela fait presque peur… Voilà un ready-made qui joue avec les archétypes et un artiste qui jongle avec les images fortes. Cette partie de l’exposition, telle que le confirmera l’artiste lui-même, a été réalisée d’une manière spontanée. En quelque sorte, avec notre reflet dans ce miroir, nous faisons momentanément partie de la galerie de portraits au cœur de cette exposition, galerie à laquelle s’ajoute le profil de la reine d’Angleterre (d’où le sous-titre de l’exposition et le jeu de mots: Gold Save the Queen).

Devant l’éclectisme des informations, il y a de quoi se demander si l’art est une charade à résoudre et, d’ailleurs, s’il n’est pas vain d’en vouloir dénouer l’énigme. En voici quand même quelques clés: les trois têtes de mort brossées en bleu, blanc et rouge à même les fenêtres du centre d’exposition n’ont rien d’un message patriotique. Une partie des grandes photographies plastifiées accrochées au mur provient de la presse et El Baz les a trafiquées à l’aide du logiciel de traitement de l’image Photoshop. Un militaire, un couple qu’on imagine tout droit sorti du XIXe siècle, d’autres qui exhibent leur nudité: tous ont la tête en feu! Cette manipulation de l’image est simple et d’une rare justesse. L’intervention est efficace et l’effet, direct. Cela exprime, sans aucun doute, une certaine révolte. Une autre série de photographies, plus personnelles celles-là, sont collées à même les murs, comme des affiches placardées sur la rue. Sur un bureau installé dans l’espace d’une manière utilitaire, des bougies ont brûlé.

Les possibilités d’interprétation restent ouvertes. C’est à la fois un plaisir et un danger. Ce que propose Mohamed El Baz relève d’une mythologie personnelle et évoque aussi "l’écrasante actualité mondiale", comme l’écrit Michèle Cohen-Hadria dans un texte consacré à l’artiste. Le propos est aussi personnel que politique. Mais encore, ce que je préfère par-dessus tout dans cette installation – qui n’en est peut-être pas une -, c’est le travail sur les limites des genres qui provoque constamment des interruptions dans la volonté de circonscrire un récit. Du reste, l’originalité et l’intérêt de cette proposition résident dans le mode de présentation des œuvres. Le dispositif sommaire et sans artifice condense différents univers: celui du travail en train de se faire de l’atelier, le caractère familier de l’espace privé et le décorum propre à l’espace public de la galerie d’art. Ainsi, ce n’est pas tant dans chaque élément de l’exposition que dans leurs relations entre eux que se produit l’effet esthétique.

Bricoler l’incurable. Gold save the Queen
Jusqu’au 27 mars
Au Lieu

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BLOC-NOTES

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Fondé en 1987, Les Reines prochaines est un groupe d’artistes européennes féministes, débridées et exubérantes. Elles ont produit des vidéoclips, des disques, des performances. La célèbre artiste suissesse Pipilotti Rist a fait partie du collectif de 88 à 94. À ne pas manquer: leur concert à Québec chez Rouje. Le jeudi 17 mars à 23 h.

Performance-partage de Lucie BawoH

Pour souligner l’arrivée du printemps, l’artiste-peintre Lucie BawoH s’aventure pour un soir dans l’univers empirique et fascinant de la performance. Lucie BawoH prouve encore une fois qu’elle emprunte rarement les sentiers battus. Le public est invité à se rendre au Boudoir Lounge le lundi 21 mars de 17 h à 21 h. Au menu: du poisson!