Ça c'est de la pub! : Afficher ses couleurs
Arts visuels

Ça c’est de la pub! : Afficher ses couleurs

Avec l’expo Ça c’est de la pub!, consacrée à l’affichiste Raymond Savignac, le Centre de design de l’UQAM nous montre que l’art publicitaire peut durer lui aussi.

Cette rétrospective est un hommage à celui qui fut probablement le plus grand affichiste français de la dernière moitié du 20e siècle (né à Paris en 1907, Savignac s’est éteint à Trouville en 2002). Ses images à la force tranquille et à l’espièglerie caractéristique ont véritablement tapissé l’espace publicitaire français pendant plusieurs décennies: Renault, Gitanes, SNCF, Michelin, Vichy Célestins et Air France – pour ne nommer que ceux-là – ont tour à tour porté ses couleurs sur les murs, dans le métro, dans les magazines et à travers une multitude d’objets usuels.

Plus de 130 affiches sont actuellement regroupées au Centre de design de l’UQAM, couvrant la période de 1935 à 2002, nous offrant une vue imprenable sur l’évolution de l’œuvre de Savignac. De leur charmant côté rétro transparaît une manière artisanale de concevoir la publicité, qui appartient désormais à une époque bien révolue; pour qui n’a pas habité en France, l’œil et l’esprit demandent un temps d’adaptation. Il y a l’inoubliable vache Monsavon qui fait les yeux doux, le bonhomme Bic et son chien tout tortillé, la pimpante girafe Cinzano portant bottines, le Bibendum Michelin, le Pierrot Thermogène, Nectar, Dubo-Dubonnet et les autres, autant de monstres familiers drôles et tendres auxquels Savignac souhaitait insuffler un brin d’esprit. Ces êtres qui peuplent les murs de l’expo sont surtout des personnages masculins, plus rarement féminins; viennent ensuite des animaux et, de temps en temps, des paysages. Que des créations conçues pour être éphémères traversent ainsi le temps et se retrouvent en simultané est une gageure plaisante: le vrai paysage de l’affiche est la rue, et c’est par son efficacité qu’elle doit triompher sur les autres.

Davantage inspiré par Buster Keaton et autres Chaplin que par les dessins animés de ses contemporains, Savignac composait ses produits-personnages "comme un bon acteur qui crève l’écran", faisant de ses affiches de véritables slogans graphiques. Sa maîtrise des paramètres de la publicité passait par un dessin sans légende ne prêtant pas à confusion: "Le public ne regarde pas une affiche, il la voit; c’est donc l’optique qui doit déterminer sa forme et rendre sa lecture instantanée." Une seule image pour une seule idée, un raccourci saisissant et clair doublé d’une manière vigoureuse et sympathique, au trait facilement reconnaissable. Attirer l’attention par des couleurs vives, mettre le spectateur de son côté grâce à une drôlerie inventive plus proche de la connivence que de l’humour, c’est ce qui a fait toute la réussite de celui qui a insufflé un air neuf à la tradition de l’affiche publicitaire française de son époque.

Jusqu’au 10 avril, la Cinémathèque québécoise présente quant à elle l’exposition RAYMOND SAVIGNAC. Ça c’est du cinéma!, deuxième volet de la rétrospective où l’on peut voir une quinzaine d’œuvres graphiques conçues par Savignac pour le cinéma et la télé, ainsi que cinq films dont il a conçu les affiches publicitaires. Pour info: www.centrededesign.uqam.ca et www.cinematheque.qc.ca.

Jusqu’au 10 avril
Au Centre de design de l’UQAM

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