Les Reines prochaines : Reines de coeur
Arts visuels

Les Reines prochaines : Reines de coeur

Les Reines prochaines, un collectif anarcho-activiste suisse, présentent le spectacle Halluzination, qui allie esprit punk, performance, rapport festif au corps, textes surréalistes et interprétation éclatée. Rencontre avec trois créatures venues vous hypnotiser.

C’était à l’été 2000. L’artiste suisse Pipilotti Rist, ex-Reine prochaine, présentait une expo au Musée des beaux-arts de Montréal. Dans une pièce feutrée et invitante, toute couverte de tapis, on projetait une vidéo tournée dans les apaisements d’une eau pure, turquoise. Des nageurs heureux s’y prélassaient avec pour trame sonore l’hymne langoureux Wicked Game de Chris Isaak… repris par une Pipilotti absolument survoltée. Vers les trois quarts de la chanson, celle-ci explosait, hurlant le refrain comme si sa vie en dépendait, pour un effet des plus déstabilisant et tragicomique.

Pour plusieurs, ce fut un premier pas dans l’univers absurde et onirique des Reines prochaines. "On peut aussi ajouter que c’est un univers surréaliste, dans lequel l’humour a son importance", précise Barbara Naegelin, Reine depuis 1998, rencontrée avec Muda Mathis et Sus Zwick, reines depuis les débuts, à la Galerie La Centrale, où elles présentent, en plus d’un spectacle à la Sala Rossa, une exposition d’arts visuels.

Les Reines, qui existent depuis 18 ans déjà, portent plusieurs couronnes. Pionnières en performance féministe. Artistes visuelles accomplies menant chacune des projets individuels. Réunies en un collectif éclaté pour qui tout passe par la performance, par un rapport festif et harmonieux au corps. Groupe suisse anarcho-activiste dont la plupart des membres vivent à Bâle, s’exprimant en allemand, en français, en anglais et en espagnol dans des textes que l’on croirait tirés d’un rêve extravagant ou d’un poème automatiste: "La mouche sale cuisine la bouffe / Et servit les saucissons de vie / Le sirop fuit le vin gelé / Le sang froid inonde la salle", entonnent-elles sur Les Salles d’intimité (album Le Cœur en beurre). "Nous avons cinq disques derrière nous. Souvent, nous les enregistrons au retour d’une tournée, à l’inverse du processus habituel, car le plus important pour nous, c’est la performance", ajoute Sus.

TROIS QUESTIONS AUX REINES PROCHAINES

Vous êtes connues un peu partout en Europe, vous vous produisez dans de grandes salles combles. Ici, plusieurs vous découvriront dans le cadre du Festival Edgy Women/Femmes au-delà. Qu’est-ce qu’une "reine prochaine"?

Sus: "Nous sommes toutes des artistes visuelles. Notre collectif Les Reines prochaines est lié à la performance et à la musique. Voilà pourquoi il faut non seulement nous écouter mais aussi nous voir sur scène."

Votre spectacle est intitulé Halluzination. Quel en est le concept?

Sus: "Il n’y a pas si longtemps, il y a eu des élections en Suisse. Un homme aux idées d’extrême droite a été élu et a pris la place d’une femme. Ça a été pour nous un choc et le début d’un projet. Nous avons toutes sortes de stratégies pour porter le féminisme à bout de bras. Cette fois-ci, nous étions un peu prises de court et nous avons pensé à l’hypnose comme solution. Avez-vous besoin d’un peu d’hypnose vous aussi au Québec?"

Parlant de féminisme, on semble remarquer deux façons de se positionner en musique. D’un côté, un groupe féministe-lesbien comme Le Tigre s’engage envers la cause en abordant la question de front, directement dans ses textes. De l’autre, il y a Peaches, qui en a plutôt ras-le-bol qu’on revienne sans cesse à l’idée d’être une femme dans le milieu du rock comme si c’était une particularité. Où vous situez-vous?

Muda: "Se déclarer l’égale des hommes et agir comme tel, ça fait très années 90 comme discours. Malheureusement, dans les faits, ce n’est pas encore tout à fait ça."

Barbara: "L’évidence a des limites."

Sus: "Nous ne parlons pas énormément de ça dans nos chansons, c’est surtout par nos actions que ça se traduit. Pour nous, c’est une dimension importante, et nous l’assumons pleinement."

Barbara: "Un des aspects féministes de notre travail, par exemple, c’est que nous faisons tout nous-mêmes. Nous avons envie de faire de la musique alors nous voici sur scène. Nous branchons nous-mêmes tous les fils, sans demander d’aide, nous chantons toutes, avec nos voix. Nous n’attendons pas qu’un prince vienne nous prendre en charge pour faire de nous des pop stars. Nous créons nous-mêmes les occasions."

Les 19 et 20 mars
À la Sala Rossa
Avec Alexis O’Hara le 19, avec Nathalie Derome le 20

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Exposition
Du 11 mars au 17 avril
À la Galerie La Centrale

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