Christian Messier : Donner son corps (à l’art)
Espace de rien de Christian Messier se construit chaque jour depuis le 4 mars à coups d’actions dont les traces s’accumulent dans la petite galerie de l’OEil de poisson.
L’esthète en moi cherche, sinon le beau, du moins l’émotion esthétique, l’étonnement, le bizarre, le nouveau; la critique cherche quelque chose de plus: de la matière sur laquelle discourir! Disons que si la proposition de Christian Messier n’est peut-être pas le lieu des plus grands émois, ni d’ailleurs celui de l’étonnement du siècle, il reste que ce créateur fait partie de ceux pour qui l’art est une chose si sérieuse et si viscérale qu’elle demande qu’on s’y arrête le temps d’un texte. Cela fait bientôt un mois que Christian Messier découpe des morceaux de papier d’aluminium avec lesquels il se couvre la tête. Ainsi masqué, il retient son souffle aussi longtemps qu’il peut, formant des centaines de casques métalliques ultra-légers qui s’accumulent depuis et qui s’accumuleront jusqu’au 3 avril. C’est une façon comme une autre de marquer le temps! Christian Messier "fait de l’art", même si ce n’est qu’avec du "vulgaire" papier d’aluminium. Quoique le geste en lui-même ait quelque chose de fort désagréable (il en convient lui-même), il faut admettre que cette occupation de la petite galerie de l’OEil de poisson est absolument réussie.
C’est une des propositions les plus achevées de cet artiste qui pratique la performance avec conviction. Depuis quelques années, Christian Messier a participé à des événements de performance çà et là. Il s’est aussi commis à l’étranger. Il a fait son petit bonhomme de chemin de l’Îlot Fleurie jusqu’à l’OEil de poisson, en passant par le Lieu, une des organisations qui a défendu sans répit les pratiques de la performance depuis 20 ans, même pendant les moments où elle était moins à la mode. Bref, Christian Messier fait partie de la relève de l’art action à Québec. Tantôt, il s’est enduit de plâtre. En 2000, il a fait parler de lui en s’enfermant pendant cinq jours dans une caisse de bois… Bref, on l’a probablement vu tout nu un jour ou l’autre quelque part, comme tout bon performeur qui se respecte! La pratique de Christian Messier a des racines dans une certaine tradition, notamment celle de l’exploration des limites du corps, prisée par de nombreux performeurs depuis les années 60 et de manière souvent bien plus périlleuse. Ces pratiques d’autodestruction (qui participent ici presque d’un style, voire d’une "signature") peuvent être agaçantes à la fin. Et puis, on est en droit de se demander où peut mener la mini-souffrance répétée jusqu’à plus soif. "Ça ne concerne que l’artiste", serait-on tenté de répondre. Quant au principal intéressé, il l’avoue. Quand il saura pourquoi, il passera probablement à autre chose.
Jusqu’au 3 avril
À l’OEil de poisson
Voir calendrier Arts visuels
ooo
BLOC-NOTES
LES ESTAMPES PARFAITES DE DENISE PELLETIER
Voici une production de grande qualité et sans prétention aucune, si ce n’est celle de faire honneur à un procédé ancien. En présentant les eaux-fortes de Denise Pelletier, Engramme offre une occasion rarissime de faire l’expérience de ce qui se fait de meilleur en gravure. Les encrages, admirables, nous font goûter ces noirs qui n’existent que dans les procédés de l’estampe. Des noirs servis par des compositions subtiles jamais simplistes ni trop austères.
Il n’est d’ailleurs pas étonnant d’apprendre que Denise Pelletier est une artiste reconnue et appréciée qui mène une carrière internationale. Depuis 10 ans, sa production voyage et remporte régulièrement des prix reconnaissant l’excellence de son travail. Voilà une leçon qui rappelle que l’art arrive aussi dans la plénitude d’une forme éprouvée, certes, mais ô combien riche et intense quand elle est maîtrisée ainsi. Denise Pelletier, Pli et pluie, jusqu’au 17 avril.
EXPOSITION DES FINISSANTS À LA MAÎTRISE
En guise de commentaire partial et passionné, je ne parlerai ici que d’un seul artiste – ou peut-être de deux – bien qu’il s’agisse d’une exposition collective et que tous méritent probablement un moment d’attention. Avis aux amateurs de nouvelle peinture: le tableau de François Simard vaut à lui seul une visite à la Galerie des arts visuels. C’est un paysage où les nuages sont des taches d’acrylique blanc. Où de fines coulisses de peinture se prennent pour des gouttes de pluie. La provocante caisse de plastique bleu remplie d’ampoules de Marie Kim Lavigne détonne à merveille dans les productions plus sages du groupe. Jusqu’au 27 mars.
VERNISSAGE
Inauguration de l’exposition Personnes, rassemblant les photographies récentes de Jean-François Côté, le vendredi 23 mars à 19 h à la Galerie Le 36 (de la rue Couillard).