François Chevalier : Faire mouche
Les oeuvres de François Chevalier témoignent à la fois de la pérennité des choses vivantes, de lumière et de survivance.
L’univers microcosmique des insectes fascine François Chevalier et s’inscrit dans sa démarche artistique depuis longtemps. Cette fois, c’est dans l’espace du Vieux-Montréal qu’est la Galerie Orange Art Contemporain que sont exposés les fruits de sa dernière révélation.
En passant de l’estampe et du dessin au photogramme, Chevalier a élaboré une manière extrêmement inventive de faire les choses et De minuscules résurrections rend compte de ce premier voyage dans le domaine photographique. D’ailleurs, ses photogrammes sont sans nul doute les œuvres les plus impressionnantes de l’expo. Échappant à la prise de vue traditionnelle, l’artiste fabrique ses négatifs et travaille directement sur support photographique, sans recourir à l’usage d’une caméra. Ici, les insectes ne sont plus seulement dessinés, découpés, gravés ou peints au goudron: les libellules, papillons, nymphes et éphémères sont écrasés sur les négatifs et enduits d’encre. Ensuite recouverts d’une pellicule de plastique, ils sont directement exposés à la lumière de l’agrandisseur et le résultat sur papier photo est finalement fixé sur une surface de plexiglas.
Le produit final est époustouflant et n’a absolument rien de morbide: les restes des petites bêtes ne sont plus que de petits tas de petits riens. Leurs corps translucides agrandis brillent d’un chromatisme lumineux et évanescent, où ils se dématérialisent à demi dans la lumière du fond blanc. L’agrandissement de l’abdomen, des pattes et des ailes nous permet de voir des réseaux de formes aux lignes et aux méandres d’une extrême délicatesse. Les insectes sont parfois seuls sur les œuvres, parfois par pleines poignées, et on ne reconnaît pas toujours leur ancienne forme en raison de la dissolution, de la couleur et des jeux d’échelle. Pouvoir observer la beauté de leur dessin d’aussi près est générateur d’un réel plaisir.
L’artiste construit sa réflexion en élaborant une esthétique aux motifs récurrents (les insectes) mais aux compositions toujours différentes, dont le symbolisme témoigne évidemment de la fragilité de la vie, mais aussi d’autre chose: une deuxième vie est donnée aux insectes, une renaissance par transfiguration. Est intéressant aussi le lien qui se fait avec la lumière, dans le rapport que les insectes entretiennent avec elle: attirés et éblouis, ils viennent généralement s’y griller. Ici, elle devient l’instrument de leur renaissance. Il y a quelque chose de véritablement émouvant dans la multiplication et la beauté silencieuse de ces petits corps transformés. Par l’entremise des espaces trop mal connus du minuscule, Chevalier nous parle avec une grande poésie de ces petites morts qui survivent à la mort. Pour plus d’information: www.galerieorange.com.
Jusqu’au 5 avril
À la Galerie Orange Art Contemporain
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