Lorella Abenavoli : Retour à la terre
Le Souffle de la Terre de Lorella Abenavoli est un projet de sculpture sonore des plus convaincants. Quand l’art éveille la conscience. Planétaire.
Rarement une expérience de ce qu’on appelle l’art sonore nous a semblé si pertinente. Primo, parce qu’il s’agit précisément de "sculpture sonore" et secundo, parce que la pratique de Lorella Abenavoli s’inscrit dans l’histoire de l’art et interroge celle des arts plastiques; cela nous concerne donc. Les artistes en arts visuels sont nombreux à intégrer le son dans leur pratique depuis les années 1960. Cela fait partie des nouvelles tendances mondiales en art contemporain. À Québec, nous avons eu la chance d’être "sensibilisés" à ces formes d’art par Avatar, qui nous a exposés aux explorations les plus incongrues et, à l’automne 2004, par le Musée national des beaux-arts du Québec, avec l’exposition collective d’œuvres sonores Frottements. Objets et surfaces sonores. Quant au projet de Lorella Abenavoli, il est, à ce jour, un des plus convaincants.
La Chambre blanche est actuellement reliée à cinq stations sismiques de la planète (du Chili, de l’Alaska, de la Chine, des îles Galápagos et du Japon), qui captent en temps réel les moindres mouvements terrestres, les plus infimes ondes sismiques, les ondes infragraves, imperceptibles, et qui pourtant se baladent constamment sur la Terre. Le Souffle de la Terre capte ainsi sans répit cette activité tellurique et la convertit en son: c’est tout simple! S’y ajoutent les vibrations de nos propres déplacements, également gérées par ordinateur (un modèle G5) et diffusées par des haut-parleurs au sol. D’ici le 24 avril se précisera le travail sur l’acoustique et sur l’espace. Pour l’heure, cela est déjà de l’ordre de l’expérience spatiale. Ce souffle de la Terre, c’est aussi notre propre souffle. Étonnamment, cela me fait songer au noyau interne de la Terre, auquel, je l’avoue, je ne pense pas très souvent!
On se demande tout de même quelle peut être la motivation de l’artiste à s’investir dans un tel projet. En fait, cela répond chez elle à la volonté de donner une image du monde que la pratique de médiums plus traditionnels, la peinture ou le dessin par exemple, ne permet pas. Elle s’explique: "D’abord, je voulais rendre audible l’activité minérale, la vie des roches. Puis, de fil en aiguille, j’ai atterri à l’Institut de physique du globe de Paris." Depuis, Lorella Abenavoli a développé, en collaboration avec une équipe d’ingénieurs, le logiciel Son de la Terre. Elle a aussi travaillé sur la musique acoustique assistée par ordinateur. En outre, tout cela n’est pas sans susciter un certain scepticisme, tant chez les plasticiens que chez les musiciens. Mais Lorella Abenavoli n’est pas arrivée là par hasard. Écoutons-la encore: "En tant que sculpteure, je trouve qu’il y a une surproduction d’objets. Si je fais quelque chose, c’est de retirer des objets. Mon idée, c’est de produire une forme à partir de ce qui existe déjà." L’art contemporain s’articule en effet parfois en dehors du monde des objets: "Si on ne choisit pas d’être artiste, renchérit-elle, on fait toutefois des choix esthétiques et éthiques… L’artiste existe dans un ordre social. Tu as une responsabilité par rapport à tout ce que tu touches et que tu transformes." Elle sait, comme d’autres l’ont déjà dit avant elle, qu’il est difficile d’arriver à la cheville des immenses et fascinantes poutres d’acier sorties des usines ou de rivaliser avec de gigantesques blocs de granit: "Je voulais un espace sans limite…" Elle l’a trouvé et y travaille depuis 1985. Récemment, elle séjournait à Oboro à Montréal, pour concevoir une nouvelle œuvre intitulée Le Son de la montée de la sève dans un arbre au printemps, d’un érable. Si ce n’est pas toujours la saison des sucres, c’est au moins toujours celle de la Terre. "C’est le projet de ma vie", conclut la sculpteure.
Jusqu’au 24 avril
À la Chambre blanche
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BLOC-NOTES
Sculpture, sculpture
Chez René Taillefer, la sculpture est une forme qui s’incarne dans des bois qui déjouent l’équilibre et jonglent avec la gravité. La Galerie des arts visuels propose un fort intéressant retour sur 20 ans de la création artistique de ce sculpteur.
Les Futurs troubles
Le vendredi 8 avril, Folie-Culture, qui s’active depuis 20 ans à lier les arts visuels et la santé mentale, invite le public à un grand festin, sous la direction de l’artiste Claudie Gagnon et du chef Pierre Normand, dès 17 h, à l’Estaminet (280, rue Saint-Joseph). Le festin est précédé, à partir de 14 h, d’une table ronde, notamment avec l’artiste Guy Blackburn et le sociologue Guy Sioui-Durand.