Dieter Appelt : Prendre la tangente
Dieter Appelt est le second artiste à participer à la série d’expos Tangente au Centre canadien d’architecture (CCA). Un projet trop dominé par son aspect documentaire.
Le projet Tangente dirigé par Hubertus von Amelunxen, et qui en est à son deuxième volet, semble déjà en train de se "muséifier", de s’assécher, et ce, malgré la participation d’un artiste important. C’est dommage, l’idée de départ avait un certain potentiel (mais aussi des limites évidentes).
Avec Tangente (présenté dans la salle octogonale du CCA), il s’agissait de mettre en valeur la collection du Centre canadien d’architecture par les regards d’artistes contemporains. Après les coupures réalisées au début de 2003 dans le budget du CCA (3 millions de dollars sur 17,5), il était devenu primordial de mettre de l’avant les acquis du célèbre Centre (reconnu internationalement) plutôt que de monter des expositions en empruntant des pièces à d’autres musées (avec les divers coûts que cela impose). Et puis la collection de photographies d’architecture du CCA comporte plus de 55 000 images! C’est une collection remarquable (tout comme celle de la bibliothèque du CCA avec ses 160 000 ouvrages), qui permet de mieux connaître une multitude de projets architecturaux.
Il y a deux ans, Alain Paiement avait décidé de montrer comment l’architecture (ainsi que la photographie), c’est avant tout des projets en devenir, une réflexion sur les problèmes du temps présent. Paiement avait alors choisi des images montrant toute une série de bâtiments en train d’être construits (tour Eiffel, monument à la IIIe Internationale…).
L’architecture n’est pas seulement le monde bâti mais aussi celui en train de se bâtir ou qui a été en cours de construction, le monde en devenir.
Parmi les importantes images préservées par le CCA, il y a une série de documents autour de la construction du pont Forth, en Écosse, pont qui prit huit ans à être achevé (et qui fit l’admiration de tous lorsqu’il fut inauguré le 4 mars 1890). Ce fut une prouesse technique, mais aussi une révolution esthétique (aucun élément décoratif, pas de référence à l’architecture du passé). L’artiste allemand Dieter Appelt semblait la bonne personne pour effectuer un commentaire esthétique sur ce pont, lui qui l’admire depuis des années.
Mais le résultat est mitigé. Certes, Appelt souligne la structure rythmique du pont en s’inspirant d’une méthode mathématique qu’il puise dans la musique d’Iannis Xenakis. Dans Forth Bridge – Cinema. Espace métrique, Appelt nous fait comprendre comment ce pont est comme une variation (presque musicale) avec des éléments de base très simples (comme chez Xenakis). Mais le résultat est assez froid, comme les réserves d’un musée. L’image du pont est répétée avec de très légers décalages. Le désir de donner une dimension temporelle à ce pont (comme il est écrit dans le catalogue) semble peu efficace. Je ne suis pas un grand fan de David Hockney, mais il me semble que celui-ci avait montré le pont de Brooklyn d’une manière plus "temporelle", en tenant davantage compte de l’expérience du regard.
Jusqu’au 22 mai
Au Centre canadien d’architecture
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