BGL : Trois hommes et une moto
Les gars de BGL ont choisi d’occuper la rue en guise de participation à la troisième édition de la Manif d’art de Québec. Pousser l’art toujours plus loin.
Sébastien Giguère
, Nicolas Laverdière et Jasmin Bilodeau sont trois sculpteurs qui s’activent depuis bientôt 10 ans sur la scène des arts visuels au Québec. Trio prolifique, BGL a été des plus importants événements collectifs des dernières années, a participé à plusieurs expositions à l’étranger. Le groupe a eu son exposition solo au Musée d’art contemporain et il a déjà à son actif quelques œuvres d’art public, sans parler des projets à l’agenda. Dès leurs premières expositions en 1996, les sculpteurs, affublés de leur nom en forme de logo corporatiste, ont déridé le milieu de l’art avec leur humour, leur amour de la culture populaire et de ses icônes. Reste qu’on cherche encore à percer le mystère… Qui sont vraiment les BGL? À trois, ils forment une gang de gars. Ils ont l’énergie d’un band de rock’n’roll version arts visuels. Selon la définition de B, "BGL, c’est la même quantité de bière dans trois verres différents. On a la même essence. On est le fruit de l’Université Laval". Des détails inutiles? G précise: "Nous sommes tous les trois hétérosexuels…"
Depuis le début des années 90, ils ont épaté tout le monde avec leur capacité à réaliser des projets d’envergure, construisant des sculptures, produisant des installations: autant d’événements décuplés par la force du travail en trio. Leurs œuvres font sourire, étonnent, elles questionnent et nous renvoient en plein visage la vanité de certains de nos comportements, la puérilité de notre mode de vie consumériste, ne nous privant jamais du plaisir que procure l’exploration des formes. Bref, les BGL déçoivent rarement. Pendant la Manif d’art, le trio a choisi de ne pas exposer dans la grande salle d’exposition collective située au cœur du Mail Saint-Roch, préférant un contact direct avec le public. C’est ainsi que, du 1er au 15 mai, les BGL s’entraînent en ville. Cette activité, ils la définissent ainsi: "C’est une manœuvre actionnée par le désir de performer!"
La chose porte un titre: Rapide et dangereux. Cette moto sport accidentée, les BGL l’ont judicieusement choisie. Puis, ils y ont fixé une marchette – "pour aider la moto blessée", explique G. Ils se promèneront ainsi en ville en poussant l’engin coûte que coûte dans les rues, chevauchant leur Suzuki jaune accoutrés de telle sorte qu’ils pourraient bien être sérieusement confondus avec une équipe de bobsleigh en plein entraînement pour les Olympiques. D’ailleurs, une biennale d’art actuel, c’est un peu comme des Jeux olympiques pour artistes, une sorte de grande compétition à laquelle les "meilleurs" sont invités. Pour les BGL, ce sera surtout "une parade printanière". Du coup, les gars vont retrouver la forme en déambulant sur cette étrange machine qui a tout pour confondre les passants: "On essaie d’être à la limite du fait divers et du geste artistique", réplique G. Les BGL aiment jouer sur l’illusion, sur la limite entre le vrai et le faux: "Esthétiquement, c’est ça qui nous excite", avoue G. Ce n’est pas tout. Vous les verrez aussi promener en ville un autre char allégorique, paradant leur trophée de chasse: un orignal empaillé (un vrai!) juché sur le toit d’une Audi quattro noire 2003 (une vraie!). "La voiture de luxe, c’est pour donner de la crédibilité à notre geste." Un étrange mélange de prestige et d’absurde au service d’une condamnation de la chasse? "C’est davantage la domination excessive de l’homme sur la nature qu’on dénonce", précise G.
On l’aura compris, chez BGL, l’humour et la dérision n’ont rien d’anodin. Leurs plans sont le produit de réflexions ciblées qui, surtout, émergent de dialogues et d’un fructueux travail d’équipe. Les BGL ne sont pas que de joyeux lurons: "On est des gars vraiment inquiets, rappelle B. Mais quand on joue, on oublie d’être sérieux." "On est disponibles au hasard du moment provoqué par l’empirisme. La moto, c’est ça!" conclut L. Au moment de reprendre l’entraînement, c’est un G attendri qui se confie avec un ton qui résume à lui seul l’ironie et la flamme qui les habitent: "Je suis content d’être avec vous, les gars! Je suis content de faire ce que je fais; je voudrais aussi remercier mes amis et le Conseil des arts et des lettres du Québec." Qu’ils flirtent avec la performance comme activité qui s’infiltre dans la vie quotidienne ou qu’ils élèvent de véritables chantiers de construction, les BGL touchent à tout et, bonne nouvelle, ils ne sont pas toujours là où on les attendait.
Du 1er au 15 mai
En différents lieux de la ville