Marie-Josée Jean : Les allusionnistes
Arts visuels

Marie-Josée Jean : Les allusionnistes

La commissaire Marie-Josée Jean a développé une hypothèse intéressante selon laquelle les artistes actuels ne citent pas, mais procèdent plutôt par allusions.

Dans les années 80, les artistes (en particulier les peintres) ont fait un usage outrancier de citations. Après des années de table rase et d’apparente perte de mémoire, le milieu des arts a assisté à un retour en force des références à la mythologie et aux autres codes narratifs de l’art ancien. Et un clin d’œil au néoclassicisme par-ci, et une référence à la Renaissance par-là! Par ces citations, les artistes voulaient certainement redonner une légitimité à la figuration, après des décennies d’abstraction…

De nos jours, l’histoire de l’art et des formes hante encore les artistes, mais, heureusement, ils ne citent plus de façon si explicite leurs prédécesseurs. Ils travaillent plutôt à partir d’un univers commun de références visuelles, un inconscient collectif. C’est en tout cas la thèse de la commissaire Marie-Josée Jean dans son exposition Le Système des allusions. Et madame Jean n’a pas tort. Il faudrait peut-être ajouter qu’il s’agit d’un héritage de cette mode ironique qui domine et qui ne dit rien directement… Mais il y a en effet de nos jours, en art contemporain, une forte tendance à la réappropriation, qui produit un sentiment de déjà-vu, une illusion de familiarité… Cette hypothèse tient bien la route, même si les œuvres présentées ne feront pas toutes partie de l’univers référentiel du futur.

Cory Arcangel (de New York) a réussi à extraire les motifs de ciel et de nuages d’un jeu vidéo bien connu. Dans Super Mario Clouds v2k3, vous pourrez voir un beau détournement visuel qui montre les décors de ces jeux. Mais le résultat est pauvre: juste des nuages pixélisés et de la musique répétitive insupportable… Que veut dire l’artiste? Que nous vivons dans un "contexte visuel et sonore" qui est "aliénant"? Rien de très nouveau. Que les jeux vidéo ne soient pas de l’art importe peu, mais qu’une œuvre d’art ne soit pas plus intéressante esthétiquement qu’un vieux jeu vidéo, voilà qui est embêtant.

Beau jeu de références visuelles et de déroutage de sens dans les photos de Kevin Schmidt, avec ses paysages sortis de cartes postales. Travail bien fait, même s’il s’agit d’un détournement de l’imaginaire de la pub qui a souvent été effectué.

Le travail de Michel de Broin est sans nul doute plus riche. Il tisse des liens avec plusieurs systèmes visuels. Dans son installation, il crée un réseau de liens avec le cinéma de la Nouvelle Vague, les caméras de surveillance, l’univers paranoïaque développé après le 11 septembre… Le sentiment de déjà-vu y est très riche et jamais appauvrissant.

Stan Dougas donne dans l’allusion d’une manière plus fragile, son œuvre nécessitant souvent des textes d’accompagnement. Si l’œuvre moderne était avant tout autoréférentielle, autoporteuse (si je puis dire), l’œuvre postmoderne travaille avant tout avec l’intertexte. C’est le cas de sa vidéo Journey into Fear, qui reprend un film de 1942 refait en 1975. Même chose pour son image Every Building on 100 West Hastings, qui traite d’un quartier de Vancouver où le tissu urbain et social s’est désagrégé depuis des années. L’image serait-elle en train de renouer avec l’illustration?

Jusqu’au 25 juin
Au Centre de l’image contemporain VOX

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