Métissage : Rencontres
Métissage n’est pas un livre. C’est avant tout un objet d’art. Un "catalogue raisonné", dira son auteure Élisabeth Kaine, professeure en design à l’UQAC et directrice du projet de recherche Design et culture matérielle.
Ce projet de recherche sur la philosophie du design autochtone a vu le jour en 1992, sous l’initiative d’Élisabeth Kaine et de Pierre-André Vézina. S’est jointe aussi à eux Élise Dubuc, cochercheuse du projet pour le volet du développement communautaire et des cultures autochtones. Afin d’en souligner le 10e anniversaire, toute une série d’événements ont été préparés en 2001, dont des expositions ici et au Nunavik. C’est donc à cette époque qu’aurait dû sortir le catalogue de ces événements. Mais la vie et les montages financiers étant ce qu’ils sont, ce n’est que beaucoup plus tard que les démarches aboutissent. "Ce n’était plus pertinent de s’arrêter seulement aux événements de 2001, explique Élisabeth Kaine en feuilletant le livre. Il y a beaucoup plus de contenu que les seuls comptes rendus des expositions. C’est aussi 10 ans de réflexion sur la pratique du design."
L’ouvrage Métissage est donc en soi déjà métissé. Comptes rendus de recherches, oui, mais aussi essai et manifeste pour la sauvegarde et la valorisation de la culture autochtone. "Le design autochtone possède de réels chefs-d’œuvre – on en voit quelques-uns dans le livre. C’est certain qu’on a des leçons à tirer de ces objets-là, de ce savoir-faire, dans notre pratique contemporaine du design", remarque l’auteure. Abondamment illustré par de superbes photographies, parfois en très grand format, l’ouvrage montre d’ailleurs plusieurs de ces objets de la culture matérielle autochtone, de l’usage courant moderne et traditionnel. Le projet de recherche a conduit les chercheurs et les assistants de recherche (des étudiants en design, en anthropologie et même en cinéma) dans les communautés autochtones où ils ont monté des ateliers en design pour les jeunes et pour les adultes. Les démarches et les résultats de ces ateliers, véritable travail de revalorisation de la culture d’un peuple en perte d’identité, nous sont montrés en dernière partie du livre. On voit par exemple Lasarusie Tukai poser fièrement avec son "enveloppe pour transporter mon harpon et mon couteau pour aller à la chasse", ou encore Lindsay Mina, grave, avec sa "boîte à pique-nique pour ranger mes saucisses et mes guimauves".
L’auteure étant elle-même Métisse, d’un père irlandais et d’une mère wendate, la première partie, plus autobiographique, est consacrée à une sorte de quête identitaire, toujours à travers le projet. "Être Métisse: voyager entre ses mondes", lit-on en sous-titre d’un des premiers chapitres. Le bouquin, livre d’artiste, catalogue raisonné ou objet d’art en lui-même, peut aussi être pris comme une invitation aux voyages, à ceux qui portent vers l’Autre et à ceux qui mènent en soi.
Métissage
Édité par La Boîte Rouge Vif, L’OEuvre de l’autre et Caféine Design
2005, 167 p.