Camille Claudel et Rodin : Peut-être, jamais, toujours
Camille Claudel et Rodin: la rencontre de deux destins remonte aux sources de la sculpture moderne. Au rythme des mouvements de l’âme humaine.
"Je ne puis plus passer un jour sans te voir", écrivait Rodin à Camille Claudel en 1886. S’entremêlent dans cette exposition, qui nous transporte au cœur de la sculpture du XIXe siècle, l’art, le destin tragique d’une femme et une émouvante histoire d’amour. Des bronzes, des marbres, des plâtres, des sculptures fascinantes de réalisme, de joie et de douleur; troublantes d’émotion. Plus d’une centaine d’œuvres ont traversé l’océan et le XXe siècle jusqu’à nous. Accompagnent les sculptures plusieurs très belles photographies originales (des tirages anciens), des lettres documentant la vie et l’œuvre des deux artistes. L’exposition comprend plusieurs importants plâtres (à l’époque, ce sont eux qui étaient exposés au Salon), dont Le Penseur de Rodin (ainsi que plusieurs des éléments des Portes de l’Enfer, dont la fameuse sculpture faisait d’abord partie), le Saint Jean-Baptiste (le bronze qui a fait sensation dès sa première présentation) et le majestueux et déroutant Balzac de Rodin (un plâtre controversé à l’époque). On peut voir plusieurs superbes et troublantes sculptures de Camille Claudel: La Valse, un bronze joyeux; l’essentielle et tendre Vertumne et Pomone, un classique; Persée et la Gorgone, sculptés dans un marbre gris; la triste et inévitable Clotho (le plâtre de 1893) et une galerie de portraits évocateurs. Des dizaines d’œuvres témoignant de la difficulté d’être une femme sculpteur au XIXe nous révèlent la mesure de l’art de Camille Claudel. Toutes disent le potentiel évocateur des matériaux dont émergent les formes.
Vertumne et Pomone de Camille Claudel, marbre, 92 x 80 x 42,5 cm, 1905 (coll. du Musée Rodin, Paris). Photo: © Musée Rodin/ADAGP (Paris), SODRAC (Montréal), Erik et Petra Hesmerg |
J’entends déjà les objections: "Rodin, comme Picasso… des "grands noms", des "valeurs sûres"." Ou bien: "Le Musée veut répéter le succès de 1998 avec l’exposition Rodin." Ou pire: "Ce genre d’exposition, c’est ennuyant, c’est ringard!" C’est trop facile! L’ampleur et l’importance des œuvres réunies ici obligent à la déférence. Et il nous semblerait bien périlleux de bouder ce plaisir sous n’importe quel prétexte. Il faut le souligner cependant, l’originalité et le risque de cette exposition reposent sur cette façon toute particulière d’envisager l’histoire et l’art à la lumière de la vie personnelle des artistes, en mettant en valeur la dimension biographique. Un point de vue absolument assumé par le directeur du Musée, John Porter. L’homme suit ses intuitions, l’historien de l’art veut apporter sa contribution à l’histoire, le directeur de musée en livre les résultats. Quand on lui demande ce que peut nous apprendre aujourd’hui l’art de Rodin et de Camille Claudel, la réponse de John Porter donne tout son sens au projet: "C’est l’importance de l’engagement artistique dans la création. Au-delà du quotidien, vous avez deux fous de l’art et de la sculpture." Parce qu’en définitive, bien sûr, c’est toujours de l’art qu’il s’agit! Enfin, s’il n’y avait qu’une seule façon d’aborder cet ensemble d’œuvres, ce serait avec toute notre sensibilité, en nous laissant absorber par ces sculptures, en nous abandonnant à l’appréciation de la richesse des matériaux, aux possibilités évocatrices des formes. Et c’est ainsi que devant ces sculptures, où la figure humaine domine, l’art apparaît comme un écho de tout ce qui nous meut et nous fait exister.
Du 26 mai au 11 septembre
Au Musée national des beaux-arts du Québec
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BLOC-NOTES
Révolution au 36
Il faut aussi voir les sculptures que présente Mathieu Vallade à la Galerie Le 36. Ce sont deux sculptures aux qualités plastiques remarquables. "Je m’inscris dans la tradition de la sculpture moderne […], une tradition qui commence avec Rodin…" Mathieu Vallade ira sans aucun doute voir l’exposition Camille Claudel et Rodin. Pour voir le Balzac de plâtre surtout. Mais aussi "pour connaître mieux des artistes qu’on croyait connaître". Le sculpteur travaille en effet dans la tradition sculpturale, qu’il actualise au moyen d’une fascination pour les formes géométriques, évoquant le mobilier, faisant référence à l’architecture. Y cohabitent des objets aux natures variées produisant ainsi des formes aux probabilités improbables. Il a exposé chez Rouje à l’automne 2004 et a participé au récent Artiste the Survivor à la Chambre blanche, où il a eu le temps de réaliser une des meilleures pièces du collectif. Celles qu’il présente au 36 ont véritablement de l’envergure; elles sont à la fois ludiques, étonnantes et engagées esthétiquement. Jusqu’au 29 mai.
Table ronde autour de Rodin et Camille Claudel
Le samedi 28 mai, de 14 h à 16 h au MNBAQ, des conférenciers discuteront de Rodin et de Camille Claudel: la fortune critique de cette dernière, leurs influences réciproques, etc. Gratuit.