Michael Semak : Le côté caché de Michael Semak
L’exposition de Michael Semak, consacrée à son œuvre des années 1960 et 1970 et actuellement présentée au Musée canadien de la photographie contemporaine, rassasie le visiteur avec ses quelque 125 photographies.
Si ce nombre exceptionnel de photographies (toutes en noir et blanc) pourrait, dans une exposition consacrée à une seule période d’un même photographe, inciter au divertissement, l’exposition s’avérera beaucoup plus dérangeante pour ceux qui ne font pas simplement que passer sans vraiment regarder. Michael Semak lui-même estime que ses photos les mieux réussies "sont troublantes".
Au début de sa carrière, Michael Semak aborde la photographie sous un angle documentaire et la plupart de ses images sont réalisées pour le Service de la photographie de l’Office national du film (ONF). Semak traite ses sujets d’une façon plus équivoque que celle que l’on connaît aux photographes documentaristes typiques de la tradition moderne. Ses images ne renferment pas un monde ordonné et sans contradiction. Michael Semak, comme maints autres photographes de sa génération, pose un regard personnel sur ses sujets.
On pourrait avoir la tentation de parler de missions photographiques avec un travail destiné à l’ONF et des thèmes semblant de prime abord très délimités autour de sujets précis, tels que la bande de motards Black Diamond Riders et le refuge Warrendale pour les jeunes. Mais si les lieux sont précis, les impressions qu’en donne Semak en sont détachées. Dans l’ensemble, les images du photographe torontois captent non les gestes, les traits, l’environnement ou tout autre signe anecdotique, mais un univers subjectif et atemporel émanant des gens photographiés.
En y pensant bien, les gens montrés dans ces photos se révèlent intégralement à nous. Il y a quelque chose de très dense et comprimé dans les sujets de Semak, qui échappe à toute forme de définition. Ils ne sont que photographiques et on ne peut que les regarder pour comprendre; tenter de relater l’action qui se passe dans ces images serait un exercice dépourvu de sens.
Qu’il soit question de communautés marginalisées ou de documents photographiques rapportés de voyages, les images de Semak donnent toutes cette troublante impression qu’il n’y avait rien avant et qu’il n’y aura rien après. Ce n’est que de la photographie, et les sujets s’y livrent comme s’ils abandonnaient le monde réel. Ces photos semblent être le point d’origine d’une bifurcation existentielle des sujets.
On peut se demander si elles confirment les craintes que plusieurs éprouvaient devant l’invention de la photographie au XIXe siècle, c’est-à-dire l’idée que la photo arrachait littéralement une partie du sujet à la réalité pour la transporter dans l’image. Et ce trouble est visiblement présent dans les images de Semak.
Jusqu’au 13 novembre 2005
Au Musée canadien de la photographie contemporaine
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