Edwin Holgate : « Une expo sobre »
Arts visuels

Edwin Holgate : « Une expo sobre »

Edwin Holgate fut un peintre très connu à son époque. Une expo au Musée des beaux-arts fait le point sur sa création. Peinture un peu sage.

Si j’avais à transposer mon sentiment dans le domaine de l’amour, je dirais que cette peinture n’est pas mon genre. Mais bon, bien souvent on se laisse séduire par des gens qui ne sont pas du tout notre genre… C’est donc avec ouverture d’esprit que je suis allé voir cette expo, en considérant le fait qu’elle est tout à fait dans le mandat du MBA. En effet, il est bien de voir que nos institutions réalisent des rétrospectives de peintres canadiens, de surcroît montréalais. Ainsi, ces derniers ne partent pas aux oubliettes de l’histoire, même s’ils ne correspondent pas au modèle de la grande aventure moderniste (l’automatisme, les plasticiens…).

Car Edwin Holgate (1892-1977) fut un peintre très reconnu au Canada. Comme nous le dit l’historien d’art Brian Foss dans son texte du catalogue, il fut (très brièvement), en 1930-1931, le "huitième membre du Groupe des Sept", la grande référence dans le domaine de l’art canadien, les "peintres de paysage qui ont fait du parc Algonquin et d’Algona en Ontario les assises de l’identité nationale au 20e siècle, en particulier auprès des Canadiens anglophones". Et même sans le Groupe des Sept, Holgate a lui aussi représenté cette identité nationale dans ses paysages. Membre de l’Académie royale des arts du Canada, il vit ses tableaux achetés par tous les grands musées au pays. Cela montre le conservatisme et l’académisme du milieu de l’art à cette époque. Car sachons le dire, Holgate a fait une peinture plutôt sage. Sur un des panneaux de présentation au MBA, on peut lire un commentaire de Holgate sur une de ses expos en 1953: "[…] sobre et plutôt ennuyeuse pour ceux qui préfèrent les arts abstraits et de la guerre psychologique. Mon travail doit leur paraître plutôt "vieux jeu"." Il n’avait pas tout à fait tort. Mais il avait peut-être moins raison lorsqu’il ajoute: "Pour moi, les gribouillis ont leur place dans les blocs-notes et, pour une abstraction authentique et valable, on en trouve cinquante qui ne font que suivre le courant." La même chose pourrait être dite de la peinture figurative et de beaucoup de tableaux de paysages…

Heureusement, parfois, Holgate se laisse plus aller. Ses nus sont moins retenus et même parfois tout à fait surprenants, comme dans cette Mère et sa fille, où la première est nue regardant un livre alors que la seconde, habillée, semble tout naturellement se tenir pas loin de son sein. Ses nus dans la nature paraissent aussi plus oniriques, comme si ces femmes avaient reconquis un paradis perdu à travers l’immensité des lacs et montagnes canadiens.

Quelques portraits aussi sont à examiner, mais les tableaux de soldats, au moment de la Seconde Guerre mondiale, sont bien trop jolis et bien trop kitsch pour convenir à un tel sujet. Les commissaires auraient pu trouver une manière de rendre le tout un peu plus attirant. Des comparaisons avec des œuvres des contemporains auraient été nécessaires, ne serait-ce que dans une salle ou deux, pour que le visiteur puisse mieux juger de la spécificité de son travail. Une expo conservatrice sur un artiste conservateur.

Jusqu’au 2 octobre
Au Musée des beaux-arts de Montréal

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