Les centres d’artistes : L’union fait la force
La scène des arts visuels de Québec ne serait pas la même sans eux. Portrait du plus parallèle des réseaux.
Le réseau pancanadien des centres d’artistes, qu’on appelait d’abord les galeries parallèles, compte désormais plus d’une centaine de centres "d’un océan à l’autre". Les premiers ont été fondés à la fin des années 1970, dans l’effervescence du mouvement communautaire et de l’art underground des années 60, mais aussi dans le mouvement occidental plus global de l’engagement de l’État dans la culture. C’est en 1957 qu’a été créé le Conseil des arts du Canada, suivi en 1961 du Conseil québécois des Affaires culturelles et ainsi de suite. Bref, en s’organisant en coopératives, les artistes se sont donné "les moyens et les structures pour créer et diffuser leur art". Ces lieux, gérés par les artistes eux-mêmes, ont considérablement contribué à améliorer les conditions de vie et de création du milieu de l’art actuel. Fondés dans un esprit alternatif, ces lieux de défense de la culture voulaient d’abord, et veulent toujours, être le contre-pied de la marchandisation de la culture. Ils œuvrent en parallèle des galeries privées, plus indépendants des contraintes du marché. À Québec, la Chambre blanche, le Lieu, l’OEil de poisson, Engramme, VU, Avatar et la Bande vidéo font partie de ce vaste réseau pancanadien d’art parallèle, tout comme Regart, à Lévis. Ce sont des lieux propices à l’émergence de pratiques nouvelles. Des lieux d’abord branchés sur le changement social et l’art alternatif.
Il n’est pas faux de dire que les centres d’artistes sont devenus des institutions, quoique d’aucuns diront que leur financement reste d’année en année si précaire que rien n’est jamais tout à fait acquis. Ce sont donc des lieux en mouvement. Le temps a transformé les centres d’artistes, mais on aurait tort de croire qu’ils sont pour autant stigmatisés. Ils demeurent encore les principaux espaces où les artistes peuvent réaliser et exposer un art qui ne cadre pas avec les galeries d’art commerciales ou les musées. On est donc souvent, lorsqu’on visite un centre d’artistes, dans un laboratoire où la transgression est possible. Ce sont des espaces d’expérimentation, plusieurs d’entre eux sont aussi des lieux de production importants. Engramme a un atelier d’estampes, VU, c’est aussi un laboratoire de photographie. L’OEil de poisson a un atelier de menuiserie; Avatar, un studio d’enregistrement. Ces ateliers sont accessibles à la population, selon différentes modalités. De là surtout peuvent émerger des œuvres remarquables, nouvelles, des événements qui participent pleinement à la vie culturelle. La Manif d’art, biennale d’art actuel de Québec qui se terminait récemment, a pris naissance dans ce réseau d’organisateurs et d’artistes. À Québec, c’est grâce au réseau des centres d’artistes que des artistes du monde entier séjournent et exposent. Bref, on peut chercher en vain les failles du réseau, soulever l’éternelle contradiction de l’organisme qui conteste les valeurs établies tout en étant subventionné par l’État, reste que les centres d’artistes sont devenus essentiels et sont les espaces phares de l’art qui se fait.