Raymonde April : Tous les jours
Arts visuels

Raymonde April : Tous les jours

L’exposition Raymonde April. Bifurcations nous fait entrer au cœur de l’œuvre de la récipiendaire du Prix Borduas de 2003. La photographie en tant qu’art.

Prises lors d’une promenade, d’une visite au musée ou d’un voyage, les photographies de Raymonde April se rapprochent subtilement de celles que vous et moi aurions pu faire. Ce sont souvent des scènes de la vie de tous les jours; des photographies qu’on prend pour garder le souvenir de ses amis, de sa famille, pour garder en mémoire un paysage, un lieu qu’on habite. "Je veux qu’il y ait peu de distance entre la chose artistique et non artistique, explique Raymonde April. Je veux qu’il y ait une zone de flottement." Tout est là, il me semble, dans cette subtile frontière, cette intention de l’artiste. Raymonde April fait de l’art avec ce que l’on conçoit comme le plus familier quand on pense à la photographie. "C’est un amour de ce qui existe, poursuit-elle. C’est une volonté d’approcher ce qui est là devant." On pourrait envisager l’introduction de scènes à la fois intimes et partagées comme une contribution de cette artiste à l’art photographique. Tirées sur de grands formats, prises avec l’attention d’une photographe, ces photographies acquièrent quelque chose de plus: on perçoit la dimension latente à toute photographie. Elles s’affichent clairement comme des tentatives de fixer l’instant… Quête vaine? Soit! Mais bien mieux: "C’est un travail du présent… Pas du tout nostalgique", comme le précise Raymonde April.

"Je crois que les images sont des espaces autonomes. Par la photo, on apprend, on acquiert des connaissances", dit-elle encore. Cette exposition est ainsi une des premières où l’artiste présente des photographies couleur, et c’est aussi les premiers résultats de l’exploration de la photographie numérique. Les photographies, enfin la plupart, ont été prises avec une caméra numérique et sont des impressions au jet d’encre. Rarement a-t-on vu des photographies numériques aussi satisfaisantes, mais on n’en attend pas moins d’une artiste de ce calibre. La photographie numérique offre de nouvelles possibilités aux photographes: c’est plus rapide, ce sont de nouveaux paramètres, comme l’explique l’artiste. Quoi qu’il en soit, il semble que, fondamentalement, les grands enjeux de la photographie restent les mêmes. Et ce sont les mêmes questions que pose toujours l’acte photographique. Avec, au centre, celle du temps. Ce temps momentanément suspendu de la prise de la photographie; tout près du moment qui la précède et lui succède. Ce temps unique et seul, qui reste au cœur du caractère poétique de la photographie et dont les photographies de Raymonde April témoignent pleinement.

Cette exposition, présentée chez Vu et à l’OEil de poisson, est à voir absolument. Pas seulement parce que Raymonde April est récipiendaire du Prix Borduas 2003 – bien que ce soit un bon argument -, mais parce que c’est généreux et que c’est de la très bonne photographie. Ce sont de nouvelles photos que l’artiste a produites depuis 2000. Raymonde April. Bifurcations fait partie des expositions qui rendent hommage aux récipiendaires du Prix Borduas, la plus haute distinction décernée chaque année à un artiste ou à un artisan du Québec pour l’ensemble de son œuvre. Depuis deux ans, la Manifestation internationale d’art de Québec organise l’événement en partenariat avec la Fondation Bombardier, qui a instauré ces expositions. Ces expositions permettent de faire connaître davantage l’œuvre des artistes et le Prix Borduas. Celle-ci permet en effet d’envisager l’importance de l’œuvre de Raymonde April, dont le travail a influencé des générations d’artistes. La photographie de Raymonde April continue de résonner dans l’actualité; elle contribue à nous faire aimer la photographie. Il faut voir la série Inconsciences, où des images hétéroclites se déroulent sans frontière et cohabitent sur un même papier comme des souvenirs qui défilent. Il faut voir ces paysages où courent des petits sentiers de terre, brefs comme les jours d’été.

Jusqu’au 14 août
Chez Vu et à l’OEil de poisson

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BLOC-NOTES

Si l’été vous amène à Baie-Saint-Paul, sachez que Raymonde April y expose aussi. Cette fois en duo avec Michèle Waquant, artiste du film, de la photographie et auteure, installée en France. Depuis le 16 avril et jusqu’au 11 septembre, on peut voir des photographies, documents et textes qui retracent les itinéraires artistiques des deux artistes et amies qui se sont rencontrées dans les années 1970. Au Centre d’exposition de Baie-Saint-Paul.