Kites, Guns & Dreams : Regards croisés
Arts visuels

Kites, Guns & Dreams : Regards croisés

Dans Kites, Guns & Dreams, quatre photojournalistes canadiens composent un hymne à l’enfance afghane et au courage de ce peuple qui se remet lentement de ses blessures.

Sur une photographie, de petits garçons rigolent en faisant voler des cerfs-volants. Kites, Guns & Dreams nous parle avec une grande délicatesse de l’enfance qui a fleuri sous les bombes… Il s’agit d’une vision composée de plusieurs dizaines de clichés, nés des feux croisés de quatre regards couvrant la dernière décennie de l’histoire d’un pays durement éprouvé. L’Afghanistan se relève et nous ne le voyons pas. Le peuple afghan continue de vivre et cultive au quotidien l’espoir d’un avenir meilleur. Il s’agit du témoignage de la vie qui continue sa bataille, qui accomplit son long travail de résilience malgré la dévastation.

Roger Lemoyne, Robert Semeniuk, Lana Slezik et Christophe Grabowski, photographes de réputation internationale et correspondants pour de grands journaux, nous offrent des images d’une grande qualité technique. Partout en toile de fond, des ruines, mais surtout les visages de ces enfants qui vont grandir et réinventer l’identité et l’avenir de leur pays.

Un marché aux oiseaux, un pan de voile au vent, une pirouette dans la poussière, des jeux sous le soleil, les rires qui côtoient l’horreur de membres arrachés qui ont eu le temps de se cicatriser. Les photographes ont choisi de poser les yeux sur ce que l’on ne voit pas à la une des journaux. Les images de la guerre ne sont pas très loin dans nos mémoires et on se rappelle trop bien ces femmes voilées, les bombes et les cadavres. Mais à voir les Afghans dans leur vie quotidienne, en les regardant (re)découvrir de minuscules plaisirs longtemps refoulés, on croit avec eux que la reconstruction est possible et qu’elle passe obligatoirement par un retour aux sources et à la tradition.

L’angle est journalistique, mais les regards sont avant tout ceux de trois hommes et d’une femme, émus et étonnés. Ils ont composé un panorama de l’Afghanistan d’aujourd’hui, nous confrontant à un paradoxe qui provoque un important débat intérieur devant la légèreté et la peur inextricablement confondues. Dans la série Kabul, 2002 de Roger Lemoyne, un enfant est occupé à jouer dans les ruines de l’ancien palais royal, un autre embrasse un mât recouvert de velours censé ramener la chance, pendant les célébrations du Nouvel An. Kabul Youth Center, 2003, de Christopher Grabowsky, montre quatre garçons en costume de karaté pratiquant leurs leçons dans une vaste salle déserte aux fenêtres explosées. Un cliché de Kabul, 2003 montre des fillettes qui apprennent les lois de la physique en balançant des papillons de carton sur leur nez. Dans la série Kabul, 2004 de Lana Slezic, une jeune fille monte les escaliers de l’ancien théâtre devenu école, tandis que d’autres sont patiemment penchées sur leurs cahiers. Dans Kabul, 1996 de Robert Semeniuk, un homme unijambiste marche nonchalamment devant une affiche de mise en garde contre les mines antipersonnel enfouies dans le secteur. Au-delà du désespoir d’un pays meurtri, l’exposition offre des étincelles d’espoir au milieu de l’occultation médiatique dans laquelle le pays est retombé.

Depuis les années 70, le photojournalisme indépendant et la photo engagée ont perdu la cote en quittant peu à peu les galeries d’art au profit de recherches plus conceptuelles. Kites, Guns & Dreams est présenté par NARRATIVE 360, organisme à but non lucratif œuvrant justement pour la promotion du documentaire photo, audio et littéraire dans la société civile. www.galeriesas.com.

Jusqu’au 7 août
À la Galerie [sas]

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