Rebecca Belmore : Une belle mort à Venise?
Rebecca Belmore, artiste anishinabe vivant à Vancouver, représentait cette année le Canada à la Biennale de Venise. Ouvre très mince.
Très mauvaise année pour le Canada à la Biennale de Venise. Certes, chaque fois qu’un artiste investit l’étrange pavillon canadien, la critique se demande comment il va bien pouvoir s’en tirer. Ce bâtiment (construit en 1958), véritable casse-tête, élaboré tout en angles, est difficilement aménageable par les créateurs.
Il y a quatre ans, Janet Cardiff et George Bures Miller, qui avaient gagné un Prix spécial du jury de la Biennale, avaient évité toute confrontation ou interaction avec la forme plutôt tarabiscotée de cet édicule en plaçant une structure indépendante, sorte de petit (et merveilleux) théâtre à l’intérieur dudit pavillon. Et on pourra trouver bien des excuses au ratage de cette année, à l’échec de l’intervention de Rebecca Belmore… Par exemple, l’installation technique de l’œuvre laisse totalement à désirer. Le faisceau lumineux, qui projette le vidéo de Belmore sur un écran liquide formé d’une mince cascade d’eau, arrive directement dans les yeux du visiteur, l’éblouit et l’empêche de voir correctement l’image! Cet écran, qui n’est pas une grande trouvaille, mais tout au moins une bonne idée, n’est pas utilisé au maximum de ses possibilités. Le spectateur ne peut que difficilement aller le voir de côté pour se rendre compte de sa matérialité surprenante et de son aspect presque féerique, les gouttelettes d’eau vues de biais brillant comme des cristaux. Il fallait, bien sûr, être deux pour installer si mal cette œuvre. Dans la mise en scène, les commissaires Jann LM Bailey et Scott Watson n’ont pas su appuyer le dispositif visuel.
On pourra trouver bien d’autres raisons extérieures à l’œuvre pour expliquer ses carences. Mais il faut regarder en face le contenu de cette pièce et admettre que c’est celui-ci qui pèche le plus. L’installation vidéo Fountain se veut un cri de douleur, une confrontation avec l’exploitation éhontée de la nature et de ses éléments, et, en sous-texte, une dénonciation de l’état d’étouffement dans lequel se trouvent les autochtones. Mais la forme que prend ce propos manque d’originalité. Voici, bien résumée dans le catalogue, l’action en cinq parties de ce court vidéo: "L’artiste s’agite dans l’eau près de la rive en se démenant avec un seau. Puis, calmée, elle s’agenouille et tient le récipient sous la surface de l’eau. Ensuite, elle se relève et marche sur la rive. Après ça, elle s’arrête et lance le contenu du seau vers l’objectif, recouvrant l’écran d’un voile de sang […] Fountain porte sur les éléments ou les essences: feu + eau = sang." Feu… Eau… Air…Terre… L’artiste aurait-elle eu vent de l’œuvre de Bill Viola?
Cette Fountain est d’autant plus gênante que, à quelques enjambées de là, au pavillon de la France, l’installation Casino d’Annette Messager est tout à fait bien montée, avec un contenu très riche. Cette petite pièce de théâtre, en trois actes, portant sur Pinocchio et traitant de la notion de voyage initiatique, ne manque pas de panache. La partie centrale en est la pièce maîtresse. Un immense tissu rouge, soyeux, ondulant au gré d’un courant d’air généré par une soufflerie, donne l’impression de se transformer en vagues déchaînées, en un paysage vallonné, en une langue gigantesque… Une œuvre qui a mérité son Lion d’or (pour le meilleur pavillon national).
Le Canada n’a reçu aucune récompense.