À qui profite la peur?
La peur serait-elle la force dominante de notre époque? Une expo interroge les mécanismes de ce sentiment bien développé dans la population.
Il fut des époques où c’était la fraternité et l’amour qui étaient proclamés haut et fort. Mais les années hippies et le Flower Power sont bel et bien finis. De nos jours, c’est plutôt la méfiance et surtout la peur qu’on essaie de développer chez les citoyens. Mais à qui profite cette atmosphère d’inquiétude et (très souvent) de fausse insécurité? Aux agresseurs et aux terroristes? Parfois. Mais ne sert-elle pas aussi à certaines instances du pouvoir et même à certains gouvernements qui en profitent pour renforcer les systèmes de contrôle sur les citoyens? De nos jours, il faut faire attention à tout, même à nos lectures, car à en croire le nouveau pape, la série Harry Potter, "subtile séduction", peut "corrompre la foi chrétienne des âmes qui ne sont pas encore arrivées à maturité"!
Dans l’exposition Les Paramètres de la peur, présentée à la Galerie Art Mûr, vous retrouverez tous les ingrédients de nos angoisses collectives. Vous y verrez des signes du religieux (Dieu et Diable se mélangeant), un peu de sexe (ça va toujours chercher un peu de culpabilité et de crainte chez les individus), pas mal de liens avec la guerre et la mort (sujet évidemment peu rassurant), ainsi que beaucoup d’images parlant de l’inconnu. Ce n’est pas pour autant une expo démagogique, mais plutôt un rassemblement de créations qui tentent de dénoncer l’usage de ces thèmes à des fins malhonnêtes.
Certes, quelques œuvres sont plus simplistes que d’autres. Telles ces photos, Woman Willing to Defend Her Hotel de la Canadienne Juliana España Keller, dans lesquelles vous verrez une femme armée se promenant dans des espaces publics. Même si ces images ont une certaine efficacité, capables de créer un sentiment d’inquiétante étrangeté, voilà une dénonciation de la dérive sécuritaire qui a souvent été faite. Mais, malgré quelques éléments de ce genre, voici une expo très réussie et où s’énonce le principal problème que pose l’effroi: l’inquiétante beauté qu’il met en scène, le sentiment de sublime (un jeu de va-et-vient entre le repoussant et l’attirant) dont les Romantiques ont tant parlé.
Dans leur vidéo Security Fugue, David Phillips et Paul Rowley (respectivement des États-Unis et d’Irlande) montrent bien cela. Vous y verrez, au ralenti, un hélicoptère venant chercher un brancard poussé par des infirmiers. Il y a dans cette scène, malgré son sujet, une forme d’envolée lyrique qui emporte le regard du spectateur. Très frappantes sont également les saintes de cire à moitié consumées de Gabriel Martinez (des États-Unis), jouant, elles aussi, sur la beauté des signes religieux et sur l’étrangeté des notions de sacrifice ou de martyre tant valorisées par les religions de ce monde.
Du triptyque de Gun Holmström (de Finlande), c’est la partie exhibant une femme la bouche ouverte (tirée d’une image trouvée sur Internet et montrant peut-être une scène de torture) qui est la plus poignante. Dans sa gestuelle, il y a une effrayante grandeur.
Jusqu’au 30 juillet
À la Galerie Art Mûr
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