Dépaysements des sens : Remuer mère et monde
À travers Dépaysements des sens, Denise Desautels, Louise Viger et Jacques Fournier nous parlent des souvenirs, ceux de l’enfance marquée par le carcan des mères.
Voici une expo hantée par l’enfance, par les rapports complexes aux parents et surtout à la mère. Dépaysements des sens est une conversation entre la poétesse et écrivaine Denise Desautels, l’artiste multidisciplinaire Louise Viger et le relieur-éditeur Jacques Fournier (il a fondé les Éditions Roselin, spécialisées dans les livres d’artistes).
Malgré la valeur de l’ensemble, la pièce de résistance est sans nul doute une robe démesurée, disproportionnée (telle que vue par un enfant?), trônant au milieu de la pièce. Elle a des allures de corset, d’un robot ou d’un automate, mais en fait elle s’avère être tout simplement et très astucieusement composée de cintres de bois et d’une caisse de résonance dont s’échappe, comme du creux de ses entrailles, un récit sonore. Elle a quelque chose de monstrueux autant visuellement que dans le récit qu’elle supporte.
Pièce maîtresse de cette exposition, Autodafé aurait certainement mérité d’être mise encore plus en évidence, d’une manière encore plus théâtrale avec un système sonore plus englobant (on a parfois du mal à entendre toutes les subtilités de cette œuvre sonore). Elle est composée du travail sculptural de Louise Viger et d’un texte superbement écrit et magnifiquement lu par Denise Desautels. Prêtez-lui oreille: elle vous touchera certainement en évoquant plein de souvenirs sur les relations troubles que les mères entretiennent avec leurs enfants.
L’auteure y parle de la "surprotection familiale, carcérale" qu’opèrent les mères, de ce sentiment que les enfants, d’une certaine époque et encore de nos jours, ont à propos de la cellule familiale étouffante, aussi ouverte au monde qu’un monastère. "Oh! Oh! Pourquoi serait-il question d’un ailleurs? On est si bien ici, entre nous, hors de tout drame, de toute salissure, hors de danger, ma mère dit." L’écriture (et la lecture), à travers les lettres ou les livres, s’y énonce comme une arme libératrice. Une expo qui est comme une ode aux livres, aux arts, à la création comme moyen d’échapper à la réclusion familiale. "Je dis, ma mère. Les livres, tu ne peux plus rien contre eux. Rien." Si, comme moi, vous vous êtes ouverts au monde grâce à la lecture, vous adorerez cette pièce.
Et puis, tout à côté, ce dialogue sur l’enfance et les souvenirs se poursuit cette fois entre Denise Desautels et Jacques Fournier. Vous y verrez beaucoup de photos d’enfants, pour la plupart des campagnards de la région de Charlevoix (tirées du fonds Jean Palardy, du Musée de Charlevoix), accompagnées de titres inventés et de quelques textes, là encore très éclairants: "Pose prise, apprise", "Les enfants trahis", "Sous les sourires", "Où se cache le chagrin"…
Vous profiterez de cette visite pour voir aussi des œuvres plus anciennes de ces trois créateurs. En particulier, vous pourrez dévorer des yeux l’ange de chocolat blanc imaginé par Louise Viger.
Jusqu’au 20 août
À la Maison de la culture Plateau-Mont-Royal
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