Janet Werner : Images contemporaines
Janet Werner expose des œuvres oniriques qui reprennent (pour les dénoncer?) les images populaires. Une peinture exécutée de main de maître, mais dont le contenu pose problème.
Mais que se passe-t-il chez les peintres ces temps-ci? Se sont-elles passé le mot pour travailler toutes dans le même sens? Je dis "elles", car il y a énormément de peintres femmes en art contemporain. Et ces peintres, autant sur la scène internationale que canadienne ou québécoise, travaillent beaucoup de la même manière. Dans leurs œuvres, nous retrouvons des références à la culture populaire, à la publicité, aux vedettes de la mode, du cinéma ou de la musique rock, références mélangées avec une bonne quantité de féerique ou d’onirique qui trouvent leurs sources dans la bande dessinée et les illustrations de contes pour enfants. Le tout est saupoudré d’un soupçon de sens critique (mais pas trop), pour plaire à la fois à ceux qui aiment les vedettes des médias et à ceux qui aiment le ton ironique, critique, sur la culture de masse.
Même dans la manière de peindre, il y a une tendance, très marquée à l’heure actuelle, vers un certain "réalisme" (je n’aime guère ce mot fourre-tout utilisé autant pour définir Edgar Degas que Duane Hanson, mais bon, il fait comprendre ce que je veux dire…). Ce "réalisme" est obtenu grâce à une peinture très liquide donnant des effets de flous qui sont loin d’être inintéressants ou déplaisants pour l’œil. Tous ces éléments donnent aux tableaux un côté très bon enfant (cela fait penser à de la peinture à l’eau utilisée par des gamins) et, étrangement, un ton très professionnel. Avec quelques taches et quelques coups de pinceau, ces peintres nous montrent comment elles peuvent faire des images "réalistes"… Il y a dans cette manière de faire un retour vers le baroque et la maestria de ses peintres. Ces femmes montrent comment elles aussi peuvent avoir un talent insolent, et qu’il n’est pas nécessaire d’être homme pour faire preuve d’une extraordinaire dextérité du pinceau.
Janet Werner, née à Winnipeg mais vivant à Montréal où elle enseigne à l’Université Concordia, présente au Centre Saidye Bronfman une expo qui reprend beaucoup des éléments que je viens de mentionner. Et ses tableaux ne manquent pas de panache. Elle sait à l’évidence comment peindre, ce que nous ne pouvons pas toujours dire de bien des artistes qui exposent des tableaux. Son talent n’est guère questionnable. Mais ce qui me chipote dans son travail, ce sont les sujets et l’atmosphère convoqués. À voir ses œuvres, j’ai reconnu (à tort peut-être) des liens à la fois avec Karen Kilimnik, Elizabeth Peyton ou même parfois Laura Owens, liens qui peuvent devenir agaçants. Dans la peinture de Werner, la présence de représentations de poupées Barbie ou d’images tirées de revues de mode peut certes amener le spectateur à avoir un regard critique sur ce type d’univers esthétique. Peyton (avec son regard très sexuel sur les jeunes hommes) travaille cet univers branché avec succès, en sachant retourner la symbolique de ces images. Kilimnik rate plus souvent sa cible. Il faut dire qu’une telle critique est devenue une recette. Werner est une très bonne peintre, mais, dans ses récentes productions, elle semble chercher une nouvelle voie, de nouveaux sujets pour son talent. Que peindre? Voilà tout le problème de la peinture actuelle. La solution réside peut-être dans le fait de parler plus de soi que de questions générales…
Je ne tiens pas à remettre sur les épaules de Werner toute la problématique de la peinture de ce début de siècle. Mais je crois qu’une peintre de ce niveau pourrait nous parler de sujets moins clairement identifiables à une critique, maintes fois faite, des stéréotypes sociaux.
Jusqu’au 21 août
À la Galerie Liane et Danny Taran du Centre Saidye Bronfman
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