René Blouin : Les goûts sont dans la nature
René Blouin nous convie à un panorama de la production de ses artistes. Des créateurs aux natures diverses.
Un peu plus et on se croirait revenu aux beaux jours de l’École de Barbizon. L’année 2005 en art semble en effet marquée par un énième regain d’intérêt pour la nature et les paysages. Nous avons trop souvent vite cru être débarrassés de ce type de catégories esthétiques (à quand un come-back des natures mortes et des portraits officiels en peinture contemporaine?). À Shawinigan, la 3e expo montée par le Musée des beaux-arts d’Ottawa, porte sur Les éléments de la nature (expo qui, en passant, est bien inférieure aux deux précédentes, et ce, même s’il y a des œuvres de Giuseppe Penone et des tableaux, malheureusement mal accrochés, du grandiose Paterson Ewen). Et puis, cet automne, le Musée des beaux-arts de Montréal présente Le paysage en Provence, du classicisme à la modernité (1750-1920). Il faut dire que même sur la scène internationale, le paysage revient comme catégorie à part entière; pensons, par exemple, à la Tate Modern qui dédie une section de son installation à ce thème.
La galeriste René Blouin a monté lui aussi son expo à saveur paysagiste. Intitulée Natures, elle présente ses artistes, ceux qu’il défend depuis presque 20 ans et ceux qu’il a ajoutés depuis quelque temps à son écurie. Il faut dire que Blouin ouvre de plus en plus son espace aux jeunes (entre autres, cet été, il a exposé deux nouveaux venus, Devon Lowry et NUMA).
Même si le thème de Natures est un peu forcé par rapport aux œuvres (en cherchant bien, on peut toujours trouver des liens entre le tableau Swimming pool de Pierre Dorion et la notion de paysage urbain), voilà une belle occasion de faire le point sur les créateurs représentés par le galeriste. La liste est plus que respectable. Jugez par vous-même: Nicolas Baier, Geneviève Cadieux, Patrick Coutu, Pierre Dorion, Charles Gagnon, Betty Goodwin, Geoffrey James, Rober Racine.
Mais quelles œuvres retenir de cette expo? Le projet Natures a trouvé sa source dans le désir de Blouin de présenter des photos de Geoffrey James, trois grandes images d’arbres prises à l’aide d’une caméra panoramique, outil qui donne à ces troncs et à ces branches une monumentalité certaine. Voici des photos pas vraiment surprenantes pour qui connaît le travail de James, mais tout à fait efficaces dans leur dispositif. Bien plus poignante est Harpie de Nicolas Baier, une nouvelle pièce de l’artiste, image qui montre simplement un arbre vu la nuit par une fenêtre. Mais l’ambiance est très sombre et a quelque chose de presque inquiétant. Baier renoue avec les peurs de l’enfance, dont celle de l’obscurité. Dans ces peurs, la moindre ombre se transforme en sorcière. La photo Gris I de Pascal Grandmaison ressemble à une goutte d’eau prise en très gros plan, mais elle est en fait le détail du posemètre qu’utilise l’artiste. Le regard sur la nature s’y trouve résumé astucieusement en une problématique sur la lumière dont on a besoin pour la voir. Et puis, vous noterez une curiosité: la planche de travail de Patrick Coutu. Accroché au mur, ce tableautin a des allures de représentation du ciel et de ses constellations. Une œuvre produite grâce au hasard? Les mystères de la création artistique sont à l’image des mystères de l’inventivité de la nature.
Jusqu’au 10 septembre
À la Galerie René Blouin
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