Michael Snow : As de carreau
Arts visuels

Michael Snow : As de carreau

Michael Snow est l’un des invités du Mois de la photo. Un court mais judicieux survol de sa production ouvre une fenêtre sur son art.

Voici une exposition qui me réconcilie avec le travail récent de Michael Snow. Depuis plusieurs années, j’ai eu du mal à apprécier certaines de ses propositions. Lors de la Biennale de Montréal en 2000, il présentait Place des peaux, composée de fenêtres de bois couvertes d’acétates colorés entre lesquelles se promenait le spectateur, installation qui traitait d’une manière pauvre de la fragile limite entre représentation et réalité. Dans cette pièce il manquait toute la subtilité et, surtout, toute la polysémie, la richesse visuelle, auxquelles Snow a habitué ses admirateurs. Il en était déjà ainsi dans sa série d’hologrammes (Egg, Still Life in 8 Calls…) des années 80 traitant trop simplement de la notion d’illusion visuelle.

Mais Michael Snow. Windows, à la Galerie de l’UQAM, est une expo où œuvres anciennes et récentes se répondent en ne s’appauvrissant pas. Le thème de la fenêtre, si récurrent chez Snow, y est réfléchi avec une astucieuse intelligence.

Je pourrais simplement vous expliquer cela en vous disant que Snow renverse l’usage symbolique de la fenêtre dans le domaine des arts visuels. Si, depuis la Renaissance, la peinture et toutes les représentations visuelles en deux dimensions ont été vues comme une fenêtre ouverte sur le monde, une manière de créer l’illusion de l’espace et de la réalité, Snow, comme bien des modernes, aurait utilisé le médium en en montrant toute la texture, en le rendant plus opaque par rapport au sujet représenté. Mais cela n’est pas si simple. Car depuis la Renaissance, le symbole de la fenêtre ne fut pas si transparent… Cette métaphore a permis de consacrer une esthétique de la brillance, de la luminosité digne de celle d’un carreau de verre bien nettoyé. En voyant les œuvres de Snow, on comprend comment le médium a toujours été présent en art (jouant avec notre regard), comment les règles d’usage d’un médium interfèrent avec ce qui est représenté. À titre d’exemple: le papier glacé d’une photo.

Dans cette expo, la réflexion sur le médium (visuel et même sonore) démarre en lion par une projection de 15 minutes d’une version remixée (c’est Snow qui a décrit ainsi son projet à la radio) en 2003 d’un chef-d’œuvre (je pèse mes mots) du cinéma d’avant-garde, de Wavelength, œuvre de 45 minutes réalisée par Snow en 1967. Cette version, au titre humoristique de WVLNT Wavelength for Those Who Don’t Have the Time, s’interroge sur nos rapports aux représentations. Un superbe dialogue entre une superposition d’images et une onde sonore (dont la fréquence augmente continuellement) crée une attente chez le spectateur, un désir pour un dénouement qui n’arrive jamais. Voici une version, tout aussi magnifique que l’originale, d’un film souvent interprété comme une métaphore de la conscience humaine, l’entrée de la caméra dans l’espace copiant la volonté du spectateur de mieux comprendre le monde. Une réflexion sur l’image réutilisée entre autres par le héros de Blade Runner faisant des close-up sur une photo pour mieux voir ce qu’elle recèle.

Et l’expo se poursuit avec d’autres œuvres tout aussi intelligentes, tel ce merveilleux Souffle solaire (Cariatides du nord) de 2002, vidéo où les limites de l’image, son hors-champ, sont interpellées avec grande finesse.

Jusqu’au 8 octobre
À la Galerie de l’UQAM
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