Karen Brett : Fontaine de Jouvence
Arts visuels

Karen Brett : Fontaine de Jouvence

Karen Brett nous confronte à un important tabou: et si les aînés avaient encore une vie sexuelle active?

Serez-vous choqués en voyant les images prises par Karen Brett? Vous sentirez-vous mal, surpris devant une scène interdite que vous n’auriez pas dû voir? "On ne veut pas entendre parler de la sexualité des gens plus âgés, car cela nous fait tout de suite penser à celle de nos parents." Karen Brett, ancienne infirmière, artiste britannique vivant à Bristol, souligne ainsi notre malaise devant la sexualité des aînés. Il y a comme un interdit collectif sur ce sujet-là. Dans les médias, on dirait même que la sexualité s’arrête passé la cinquantaine. On peut montrer un vieux couple s’embrassant, mais guère plus. Pourtant, la vie sexuelle ne s’arrête pas à cet âge-là. Pourtant, les gens du 3e âge (et même du 4e) font l’amour. Et ils baisent aussi. On tire aussi son coup après 60 ans…

"À cet âge, on se sent plus à l’aise dans son corps et on a plus d’expérience." C’est en tout cas ce que pense Karen Brett. Pour vérifier son idée, elle a publié une annonce demandant à des gens âgés de 60 à 90 ans et encore actifs sexuellement de poser pour elle. Et elle a reçu bien des réponses. Comme celle de cet homme de 87 ans qui a une maîtresse dans la trentaine (eh non, Picasso ou Chaplin, qui sortaient avec des femmes beaucoup plus jeunes, ne sont pas des cas si isolés!). Cet homme est d’ailleurs présent dans l’une des images accrochées à la Galerie La Centrale. Même si celui-ci et les autres individus (hommes et femmes) qui ont accepté de poser pour Brett ne sont pas vraiment en train de consommer l’acte sous l’œil de la photographe, ces images sont étrangement dérangeantes. Rien que la présence des corps nus de ces personnes âgées, captés en gros plan et présentés dans des photos grand format, rend mal à l’aise le spectateur. Si nous refusons, dans les images proposées par les médias, de voir des corps un peu enrobés ou hors normes, comment réagirons-nous devant ces corps ridés, à la peau marquée de taches de vieillesse? Cela nous confronte à notre peur de vieillir ainsi qu’à la mort, et nous préférons ne pas entendre parler de ces deux sujets. Pourtant, être vieux n’est pas une honte. Et le fait que bien des êtres conservent une sexualité en vieillissant est plutôt rassurant, non? Lorsque nous serons dans une maison de retraite, nous nous amuserons peut-être encore, nous aussi…

Dans cette expo intitulée The Myth of Sexual Loss, Karen Brett s’attaque donc à un tabou. Nous voudrions des vieux sages, rangés, résignés à la mort, pas des vieux qui fantasment ou qui sont heureux dans leur peau et dans leur sexualité.

Les images de Brett s’inscrivent avec justesse dans une réflexion très importante en art contemporain. Par exemple, Donigan Cumming a montré Nettie Harris, une vieille femme mourante, et Evergon a donné à voir le corps de sa vieille mère nue. Mais en fait, les images de Karen Brett n’ont pas l’aspect tragique de l’un ou le caractère transgressif de l’autre. Elles ont un aspect heureux et paisible, comme celle où, dans une étreinte, une femme se laisse aller à rire. Eh oui, en plus d’avoir une sexualité, les gens âgés peuvent être heureux… On aura tout vu!

Pour plus d’information, on peut aussi visiter le site de l’artiste: www.karenbrett.com.

Jusqu’au 9 octobre
À la Galerie La Centrale
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