Mounir Fatmi : Résister
L’artiste d’origine marocaine Mounir Fatmi outrepasse les tabous et invoque le droit à la dissidence avec son exposition Bad Connexion.
La Galerie Saw, reconnue pour ses expositions repoussant les frontières des pratiques artistiques et des discours, récidive avec une émouvante exposition intitulée Bad Connexion, regroupant une série de photographies débutée en l’an 2003 et une nouvelle vidéo de l’artiste Mounir Fatmi.
Notre société nord-américaine vit une ère nouvelle depuis le funeste 11 septembre 2001. Les événements de l’actualité quotidienne semblant si lointains devenaient tout à coup tangibles et la mondialisation revêtait une signification toute neuve. Au premier abord, l’œuvre de Mounir Fatmi peut être interprétée à la lumière de nombreux incidents récents, mais l’artiste marche plutôt sur un fil: de quelles armes dispose l’être humain contre l’imposition de valeurs soumises aux lois du marché ou de la politique, et comment traduire la tranquille rébellion intérieure qui s’opère lorsque les injustices teintent inéluctablement jusqu’aux gestes les plus banals?
Dans sa série de photographies intitulée L’Évolution ou la Mort, les personnages portent une large bande composée de livres et de revues maintenus par du ruban adhésif. Des fils électriques sont subtilement disposés dans ce qui s’apparente aux ceintures d’explosifs portées par les kamikazes. Une imagerie puissante évoquant la détresse mais aussi la force de la poursuite d’un idéal. Mourir pour ses idéaux: un concept contestable mais malheureusement toujours aussi pertinent dans de nombreux pays, pour de bien nombreuses raisons. Les photographies, bien que provocatrices, dépeignent des personnes "qui résistent" sans éclat. "On a devant soi une personne qui veut vivre, mais qui n’a pas peur de la mort."
Résister, c’est signifier, de façon subtile ou créative, son opposition à l’autorité: une notion plus en vogue en Europe qu’en Amérique du Nord. Dans son exposition, Fatmi subvertit les images médiatiques et les idées préconçues en proposant une œuvre troublante certes, mais non moins empreinte de poésie et d’espoir quant à la portée salvatrice de la culture et de la pensée critique.
L’Évolution ou la Mort, 2003. Tirage numérique. Gracieuseté de l’artiste et de la Bank Galerie, Paris. |
Pour Mounir Fatmi, l’art puise sa force dans le fait qu’il peut traiter de tout, qu’il peut dire une chose et son contraire, combiner le passé et l’avenir. Un exemple éloquent de cette vision peut être observé sur le site Internet de l’artiste (www.mounirfatmi.com). Intitulée Save Manhattan 01, cette installation est composée de livres empilés sur une table. L’ombre portée au mur, quant à elle, révèle la silhouette de Manhattan telle qu’elle était perçue avant la destruction du World Trade Center. L’astuce renvoie notre regard aux livres et l’on discerne alors les deux exemplaires du Coran qui forment l’ombre des deux tours.
Entre une première impression inévitablement imprégnée des viriles images véhiculées par les médias et la fragile détermination que l’on peut lire dans les regards et la posture des personnages, l’artiste se joue des subtilités. Cette série comporte des images réalisées en Europe et d’autres exécutées lors du séjour de six semaines du photographe au Centre de production Daïmõn de Gatineau.
L’installation comprend également une vidéo inédite. "La vidéo me permet d’ajouter d’autres dimensions, du mouvement et un rythme. Avec une narration, je peux revenir dans le temps, intervenir dans l’Histoire. Pour cette exposition, la vidéo sera au cœur de l’œuvre, vivante."
Jusqu’au 22 octobre
À la Galerie SAW
Voir calendrier Arts visuels