Diane Borsato : Chroniques de l’étrange
Diane Borsato nous raconte, à travers Comment vivre de la lumière, des histoires souvent troublantes. Mais on en redemande…
En art contemporain, l’image se pense de plus en plus dans son rapport au texte. Elle est bien finie, cette époque de l’abstraction où dominait la pure expérience visuelle! Depuis le début des années 80, avec entre autres le retour et la réappropriation de la mythologie, les images ont presque toutes une petite histoire à raconter, un récit, un sous-texte qu’il faut absolument connaître pour en comprendre la signification. Depuis une vingtaine d’années, nous avons aussi vu une prolifération d’œuvres où texte et image cohabitent dans le même espace représentationnel. Je pense entre autres au travail de Barbara Kruger, de Gillian Wearing, de Ken Lum et bien sûr de Sophie Calle.
Le travail de l’artiste canadienne Diane Borsato (qui a fait des études à l’Université Concordia, mais qui enseigne maintenant à l’Université Brock en Ontario) s’inscrit dans cette tendance. À la galerie Occurrence, elle présente une série d’images accompagnées de légendes. À moins que cela ne soit le contraire et qu’il s’agisse d’histoires illustrées par des photos. Mais chez Borsato, comme chez bien d’autres artistes à l’heure actuelle, vous ne retrouverez pas de grands récits héroïques ou historiques, mais bien de petits récits, des historiettes, des fragments narratifs qui parlent du quotidien et du sens de la vie par l’angle de l’anecdotique. Après les grands récits religieux, historiques et politiques (le capitalisme, le communisme…) souvent représentés en art, nous voici donc à l’ère des micro-récits et du micro-politique.
Que voulez-vous, ni les politiciens ni les groupes religieux n’arrivent à nous offrir des histoires vraisemblables, des projets qui tiennent debout et qui nous donnent le sentiment de participer à un rêve commun… L’art a alors de plus en plus une fonction sociale importante, celle d’inventer de nouveaux récits. De plus en plus, les artistes remplissent leur fonction de fondateurs de notre imaginaire collectif.
Borsato nous convie donc à inventer de nouveaux rituels, à en remettre certains en question ou à en réactualiser d’autres. Souvent, cela donne lieu à des actions où l’artiste semble presque innocente et même clownesque. Mais lorsque le spectateur prend le temps de bien réfléchir sur ses actions-performances, il s’aperçoit comment elles interrogent la mécanique du symbolique. Par exemple, Borsato raconte avoir apporté de la nourriture sur des tombes pour venir en aide aux morts. Cela peut sembler un geste bien étrange, mais comme les Grecs anciens, elle nous dit comment elle tente de conserver un dialogue avec les morts. Ce rituel existe d’ailleurs encore dans certains pays comme le Mexique, avec le pain des morts. Dans une autre œuvre, vous pourrez voir Borsato introduisant différents objets d’un musée dans sa bouche, comme si elle souhaitait juger de la notion de bon goût en prenant cette expression au pied de la lettre. Dans tous les cas, Borsato sait ritualiser le banal et désacraliser l’exceptionnel.
Jusqu’au 15 octobre
À l’Espace d’art et d’essai contemporain Occurrence
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