Max Wyse : Réseau sans fil
Max Wyse, artiste dans la jeune trentaine, né à Kamloops en Colombie-Britannique, expose en solo à la Galerie Eric Devlin. Onirisme inquiétant.
Notre époque n’en a pas fini avec l’héritage surréaliste et son interrogation sur l’inconscient. C’est, bien sûr, plutôt une bonne chose. Freud, malgré toutes les résistances qu’il suscite encore de nos jours (juste pour voir la réaction, dites dans une soirée que vous faites une psychanalyse depuis cinq ans…), n’en reste pas moins un fondement essentiel de notre modernité. En arts visuels, l’héritage de Freud a permis, entre autres aux artistes qui voulaient parler du réel, de dépasser la description banale des apparences. Mais le questionnement de l’inconscient par Freud est-il de nos jours trop souvent galvaudé ("genre" Doc Mailloux)? Comme le ready-made de Duchamp, est-il trop souvent une manière de penser fourre-tout (la psychanalyse fourre-tout, voilà qui plaira à certains qui pensent qu’elle ne sait parler que de sexe…)?
Dans le domaine des arts, cet héritage est-il devenu un truc, qui même quand on n’a pas grand-chose à dire, est utilisable à toutes les sauces? Même un artiste comme Dali, durant les trente dernières années de sa vie, alors qu’il se répétait ad nauseam, a su profiter de l’aura avant-gardiste de l’étrangeté surréaliste jusque dans ses tableaux les plus kitsch ou dans sa longue série de portraits pour bourgeois qui voulaient croire qu’ils participaient à la vie de bohême. Et de nos jours?
Prenons un exemple. Les œuvres de Max Wyse s’offrent au regard comme d’étranges structures visuelles, des amoncellements d’éléments hétéroclites, disparates, incongrus. Wyse peint des sortes d’échafaudages vivants, en équilibre fragile, sorte de défi à la gravité digne du Cirque du soleil. De loin, le spectateur pourrait aussi croire y reconnaître le travail d’un enfant qui, laissé seul dans un magasin, aurait empilé des jouets, des instruments de musique, des mannequins, des tables, des aliments… De plus proche, l’accumulation se poursuit, même dans les détails émergeant des personnages, plus petits, des têtes, des jambes, des fragments anatomiques, ici et là: un inquiétant jeu de cartes, une superposition d’images, sur le point de s’écrouler.
Le travail de Wyse évoque les métamorphoses d’Ovide. En effet, ses sept grandes œuvres peintes sur plexiglas donnent à voir d’intrigants croisements entre des animaux et des humains, mais aussi entre des objets inanimés et des êtres animés. Jérôme Bosch est également au rendez-vous, mais l’étrangeté des œuvres de Wyse fait plus référence à l’univers intellectuel des surréalistes. Ses peintures ont, en effet, un aspect onirique incontournable. Elles font indéniablement penser à des rébus et en les regardant, le visiteur se trouve confronté à la question de l’interprétation. Les titres, eux aussi, participent de cette ambiance surréaliste: Constellation de la chanson des chassées, Opera of the Russian Meal, Festin des glaneurs… Mais malgré cela, et malgré la qualité visuelle des œuvres, le visiteur reste un peu sur sa faim. Le titre général de l’expo (Constellation du cœur gagnant) peut certes nous laisser entendre que le bonheur est à ceux qui savent jouer (comme savent le faire les enfants) des liens souterrains entre les choses et les gens, mais cela reste un peu trop général. À moins que ces œuvres ne recèlent un sens plus personnel… Mais alors, un texte explicatif aurait été nécessaire.
Voilà un artiste qui a un talent indéniable. Mais ce talent me semble encore chercher un contenu à énoncer. À surveiller attentivement…
Jusqu’au 12 novembre
À la Galerie Eric Devlin
Voir calendrier Arts visuels