Zïlon : Chroniques urbaines
Arts visuels

Zïlon : Chroniques urbaines

Avec Sonïc :2, Zïlon nous met pour la première fois entre les yeux les quatre dernières années de son travail. Choc tellurique…

On s’active ferme, à la Galerie Yves Laroche, en cet après-midi mouillé. Il fait froid et gris dans le Vieux-Montréal, mais l’explosion de couleurs et la vigueur expressive qui nous accueillent en entrant ont de quoi réveiller les morts. Il doit bien y avoir plus d’une centaine de toiles. Partout. Il y en a partout. Elles couvrent les murs, et celles qui ne sont pas encore accrochées font des piles compactes dans les coins. Comment peut-on peindre autant? Ça donne envie de tout voir en même temps, et même si l’esprit du travail de l’artiste y est partout reconnaissable, chacune de la vingtaine de séries raconte des histoires qui ne ressemblent pas aux histoires des autres séries: Les écorchés, Ground Zero, Nuits Rouges, Poupées Z, Orbite, Mutations, Plastic Land… Ça fait des dizaines et des dizaines de gueules d’anges qui vous regardent dans les yeux. Il faut en parler, d’ailleurs, des yeux de Zïlon: c’est par ce bleu-là que tous ses personnages sont sortis.

LE MONDE SELON ZÏLON

"Quand j’étais petit, ma mère m’amenait avec elle à la messe. Je n’aimais pas trop ça et en sortant, pour me récompenser, mon parrain me donnait un dollar pour que je m’achète des comic books. Ils coûtaient 10 cents chacun, ça m’en faisait beaucoup!" C’est donc avec Spiderman, Superman, les Fantastic 4 et autres super-héros que l’art de Zïlon, passé au malaxeur d’une enfance difficile, a trouvé son terrain d’éclosion. "Mon art, ça a toujours été ma sanity et la page blanche, c’est comme un univers juste avant sa naissance."

Zïlon est un autodidacte pratiquement né crayon en main. Quand il parle de ses toiles, il parle de rock visuel et de chaque collection comme d’un nouvel album. Il écoute d’ailleurs beaucoup de musique en peignant et on peut pratiquement entendre cette musique en regardant ses tableaux: Iggy Pop, The Libertines, Acid Mother Temple, Merzbow, du vieux punk qu’il mélange avec du techno. "Ça me met dans des états propices pour peindre, c’est important". Ce n’est donc pas étonnant qu’il se soit mis lui-même à la musique.

Bien que l’univers de Zïlon soit assez sombre et définitivement trash, il est extrêmement clair aussi, comme un claque sur la gueule. Même si ce dernier s’assagit un peu à l’approche de la cinquantaine et qu’on ne retrouve plus aussi souvent ses graffitis dans les ruelles et sur les murs des toilettes publiques, l’essence punk des happenings du début des Foufs y est encore, comme un moteur. Ses toiles parlent de la souffrance d’une société envahie par la publicité, du culte du corps et de la recherche du plaisir. De violence intime également, et surtout de l’impitoyable pérennité des choses, de la poursuite sans fin d’un absolu par la fuite en avant.

Les nouvelles collections qu’il présente nous montrent autant d’enfants nés de son esprit: des rock stars, démons et zombies côtoient de très jeunes filles au regard perdu, brutalité et tendresse confondues. Si certaines toiles sont très épurées, très graphiques et proches du pop art américain, certaines sont beaucoup plus détaillées, plus compliquées et plus denses: il faut faire un peu d’archéologie en les regardant. Il y a beaucoup d’humour dans sa peinture, aussi, des satyres, de l’ironie, des images presque pornographiques et d’autres coquineries bien camouflées qu’on ne voit qu’au deuxième regard. Au verso de certaines toiles, il y a des écritures et des poèmes: "Une solitude qui s’efface avec sa jeunesse d’or. Une étoile noire pleine dans le reflet de sa mortalité. (…)".

Outre le travail qu’on lui connaît davantage – peinture en direct, affiches, murales – Zïlon donne également dans la vidéo, le story board (Le Confessionnal de Robert Lepage, Pudding Chômeur de Gilles Carle…), le décor de théâtre et la mode (visages sur les chemises de Dubuc). Il aimerait peut-être éventuellement faire de l’animation. "Mais je ne suis pas un technocrate!", dit-il en rigolant… "Je ne fait pas d’art numérique et je me trouve chanceux en fait de faire ce que je fais avec mes mains".

Il aime la vie très fort, Zïlon, et entre douleur et beauté, extase et désarroi, c’est justement de la vie très vivante que ses toiles parlent. www.yveslaroche.com, www.zilonsonic.com

Jusqu’au 20 novembre
À la Galerie Yves Laroche
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