Mustapha Chadid : Quêtes temporelles
Les sculptures de Mustapha Chadid nous enveloppent d’une poésie mécanique aux effluves d’Afrique du Nord et nous projettent dans un monde à la recherche du temps.
Le titre Comme un temps qui n’existe pas donne le ton à l’approche philosophique et poétique entourant la création des œuvres composant l’exposition de l’artiste Mustapha Chadid à la Galerie Karsh-Masson. De nombreuses sculptures cinétiques nous transportent dans un monde fabuleux aux effluves d’Afrique du Nord, à la poursuite du temps qui fuit, du temps perdu ou de sa futilité.
Né au Maroc d’un père forgeron et d’une mère couturière, Chadid a baigné dans un environnement où régnaient la créativité et la manipulation des matériaux. Jeune, il adorait se balader dans les quartiers de Casablanca, fasciné par le génie créatif des habitants recyclant les matériaux disponibles afin de créer des objets utilitaires ou des jouets. "Mon père était forgeron et il réparait les grandes roues métalliques auxquelles étaient attelés des chevaux qui les faisaient tourner." Ces roues se raccordaient à un ingénieux système d’engrenages permettant l’ascension de l’eau d’un puits. Le métal se faisant rare, "c’était le système D" et le recyclage de morceaux trouvés de-ci de-là.
Scara de Mustapha Chadid, fer, moteur électrique, sable, 2004. |
Un enseignant de la 12e année a assurément influencé la pensée de Chadid quant au concept de la relativité du temps. "Le temps peut être mesuré avec des instruments sophistiqués, mais on ne peut pas expliquer l’effet du temps. Mon professeur nous expliquait qu’une heure, ce n’est pas toujours la même chose. Une heure à avoir du plaisir entre amis, ce n’est pas aussi long qu’une heure à accomplir un travail pénible." Les œuvres tirent ainsi leur origine de cette fascination de l’artiste pour l’incommensurabilité du temps, d’études dans le domaine de la physique, des histoires de Jules Verne, des machines à remonter le temps et même des films de Star Wars! Depuis son immigration au pays, Chadid est à même de comparer la conception des Nord-Américains à celle des habitants de son Maroc natal: "Le temps prend une autre dimension lorsqu’on dispose de temps libre, de ressources et de la liberté de s’exprimer." Il renvoie également aux cultures qui ne définissent pas le temps de façons semblables: "La course effrénée pour gagner du temps n’a aucune résonance pour le montagnard de l’Afrique. C’est une notion qui lui est totalement étrangère."
Fusionnant art et sciences, les sculptures, que l’artiste nomme aussi "instruments", investiguent chacune à leur manière une portion du temps. Les structures métalliques sont composées de feuilles d’acier découpées à la torche, de moteurs et de délicats engrenages en tiges d’acier. S’y ajoutent de cliquetantes chaînettes, des tiges grattant le sol couvert de sable ou des pelles ramassant péniblement une minime quantité de ce sable pour l’emporter au sommet de la structure afin de compléter le cycle. Et pourtant, ces fragiles machines n’ont aucune finalité: elles répètent incessamment les mêmes mouvements au rythme d’un sempiternel tempo. Tout en étant pathétiquement inutiles, ces instruments incarnent de façon ludique la très humaine quête et poursuite du temps perdu.
En plus de l’exposition, vous pouvez également visiter l’atelier de l’artiste présentant des sculptures, des objets de décoration et des meubles en fer forgé. Sur rendez-vous en consultant le www.tendancemetal.com.
Jusqu’au 27 novembre
À la Galerie Karsh-Masson
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