Ré Soupault : Femme de…
Arts visuels

Ré Soupault : Femme de…

Ré Soupault a un nom de famille célèbre, mais un prénom peu connu. Pourtant, la femme de l’écrivain surréaliste Philippe Soupault fut aussi une photographe talentueuse. À voir.

Je ne crois pas au génie. Je crois au travail, au hasard d’être là au bon moment, au bon endroit, au fait d’être bien entouré. Je crois aussi à l’égocentrisme de certains créateurs qui prennent toute la place, n’hésitant pas à vampiriser ceux qui sont moins narcissiques qu’eux. Par exemple, je crois que les carrières des femmes créatrices furent bien souvent bouffées par celle de leur conjoint. S’occupant des enfants, veillant à la bonne marche de la vie de la maison ou, pire encore, se préoccupant de la renommée de leur douce moitié, beaucoup de femmes se sont trouvées éclipsées par l’aventure créatrice de leur homme. De toute manière, le génie n’est-il pas avant tout masculin?!?

L’artiste Sonia Delaunay, même après la mort de son mari Robert, continua prioritairement à défendre le travail de celui-ci. La peintre Lee Krasner surveillait, pour ne pas dire torchait, continuellement le grand Jackson Pollock, alcoolique et colérique. L’œuvre d’Hannah Höch (dont vous pouvez voir les collages à la Maison de la culture Côte-des-Neiges, jusqu’au 13 novembre) fut longtemps marginalisée par celle de Raoul Hausmann. La même chose vaut pour Sophie Taeuber-Arp avec Jean Arp. Pourtant, l’œuvre de ces femmes égale et souvent dépasse celle de leur conjoint. Et je dois dire, malgré toute l’admiration que j’ai pour la peinture de Riopelle, que je lui préfère souvent celle de sa compagne Joan Mitchell, à partir des années 60. Et l’œuvre de Nancy Spero ne vaut-elle pas celle de Leon Golub?

Quant à Ré Soupault (1901-1996), dont vous pouvez voir le travail ces jours-ci à la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal, que pouvons-nous en dire? Encore une femme artiste mineure, récupérée par des féministes en mal de réécrire l’Histoire? Ah! ces maudites féministes, responsables de tout (et même, comme on a pu le lire dans certains journaux il n’y a pas si longtemps, de l’échec scolaire de nos jeunes garçons!)… Pourtant, Ré Soupault avait un talent certain.

Née Erna Niemeyer, elle a été surtout connue comme journaliste et traductrice, ayant permis de diffuser les œuvres de Lautréamont, Tzara, Breton et, bien sûr, Soupault en Allemagne. Encore un travail de faire-valoir! Mais elle fut aussi une artiste qui étudia au Bauhaus avec Gropius, Kandinsky, Klee, Itten… Toute sa vie elle eut une pratique de photographe. Dans les années 30, elle publia des ouvrages comme Paris populaire et un autre sur les femmes du Quartier réservé de Tunis. Et les images présentées ici ne manquent pas de style. Vous pourrez y voir un regard très sensible, entre autres dans les photos de ces femmes tunisiennes "qui ont été rejetées par la société islamique parce qu’elles sont orphelines ou veuves ou bien ont été chassées par un mari". Vous pourrez aussi remarquer son autoportrait, avec un jeu de superposition visuelle, réalisé en 1939 alors que la guerre va venir bouleverser sa vie et celle de son mari. Sur son visage, un journal a été superposé, signe des liens parfois étouffants entre la vie privée et la vie publique.

Jusqu’au 4 décembre
À la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal
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