Betty Goodwin : Sens interdit
L’art de Betty Goodwin a marqué la scène canadienne depuis la fin des années 60. Quinze pièces, réalisées sur 35 ans, sont à l’affiche chez René Blouin.
Lors du dernier Festival international des films sur l’art, les spectateurs pouvaient voir un documentaire sur Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, dans lequel ce dernier émettait l’opinion que c’est dans la vingtaine et la trentaine qu’un individu crée son œuvre la plus originale. Je dois dire tout mon scepticisme quant à cette proposition plus que cliché. Bien des artistes nous ont prouvé que l’on peut trouver son style après 40 ans. En arts visuels, ils sont pléiade: Cézanne, Gauguin, De Kooning, Bacon, Guston, Rothko, Arbus… Louise Bourgeois, qui a maintenant 94 ans, continue à inventer des pièces merveilleuses, et j’irais même jusqu’à dire qu’elle a fait ses meilleures œuvres passé 70 ans!
Betty Goodwin, qui fêtera ses 77 ans en mars prochain, continue à créer avec intensité. Vous pourrez en juger par vous-même en allant voir une minirétrospective de son œuvre à la Galerie René Blouin. Celui-ci nous permet d’admirer des créations réalisées depuis 1971, les plus récentes datant de cette année. La grande dame de l’art contemporain canadien sait encore nous impressionner (à une pièce ou deux près), et ce, même dans les œuvres les plus simples comme Stones from a Shaking Planet (2004-2005). Avec à peine quelques pierres, de la ferrite et une boîte de rangement en bois, Goodwin sait convoquer un univers symbolique fort.
Bien des critiques ont voulu voir, avec raison, le travail de Goodwin comme une réflexion sur la fragilité des êtres et de la vie. Mais il faudrait ajouter comment son œuvre porte sur le silence du monde quant au sens de la vie. La terre, l’eau, le ciel, la nature en général et même les corps semblent interpellés par l’artiste, qui tente de leur soutirer un début de sens. Mais tous ne sont finalement que des tombeaux silencieux. L’œuvre Cement Parcel VIII, de 1971, pièce hors du commun faite de ciment patiné, nous parle déjà de ça. Ce colis que nous ne pouvons ouvrir semble couvert de cicatrices (même les traces des timbres ressemblent à cela) et apparaît comme une métaphore du sens énigmatique de la vie. Voici un hommage qui a de la gueule et qui est bien mieux présenté que celui que la Biennale de Montréal consacré à Goodwin en 2002.
Jusqu’au 17 décembre
À la Galerie René Blouin
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