Stephen Schofield : Un cigare n’est pas qu’un cigare
Stephen Schofield a deux expos en même temps, l’une à Montréal, l’autre à Longueuil. Sous des allures aseptisées, ses créations sont très sexuelles.
Dans les œuvres de Stephen Schofield, il y a du libidinal. Pourtant, au premier coup d’œil, son travail revêt un caractère bon enfant, pour ne pas dire innocent. Les couleurs vives et les lignes claires de ses dessins ne sont pas sans évoquer la bande dessinée. Là, un bonhomme pendu montré à diverses étapes, là, un chat en boule présenté tournoyant sur lui-même comme dans un dessin animé nous disent un univers presque naïf. Même la petite taille des hommes sculptés en céramique par Schofield évoque l’univers de poupées pour enfants. Mais en fait, Schofield réalise des Ken pour adultes.
Dans ses créations, très vite l’œil est attiré par des éléments et des formes au sens moins angélique. À la Galerie Plein sud, vous verrez des dessins où se mélangent des structures testiculaires, des replis et recoins anthropomorphiques, des invaginations, des creux et cavités aux connotations anales. Dans les sculptures capitonnées, au tissu très soyeux, une série de trous très sensuels participe à cette déstabilisation des sens. Une autre sculpture, montrant une forme toute cordée, évoque certains rituels sadomaso, comme sur les photos de jeunes femmes attachées de Nobuyoshi Araki. Il y a du sexuel dans tout cela, et un sexuel qui semble faire feu de tout bois, qui souhaite profiter de tous les orifices possibles. À la Galerie Joyce Yahouda aussi, le pulsionnel est au rendez-vous. Ici, dans une sculpture, un homme presque nu semble se frotter contre le mur, là, un individu, les fesses découvertes, semble être assoupi sur le sol après des ébats…
On pourra reprocher à Schofield de faire un art qui parle bien proprement du libidinal et même du scatologique (qui est aussi convoqué, entre autres avec cette sculpture d’un homme s’essuyant l’arrière-train). Nous sommes loin des photos de Mapplethorpe ou même du monde testiculaire de Matthew Barney avec ses coulées de vaseline, évoquant le sperme ou le lubrifiant KY. Chez Schofield, il y a un monde sans sueur et sans sperme, où le passage par l’enfance permet d’en atténuer le côté trop troublant. Mais il y a peut-être du cheval de Troie dans cette attitude-là. Schofield tente peut-être de nous refaire le coup du graffitiste Keith Haring, qui parlait des sujets les plus sexuels, mais d’une manière anodine. Même si les dessins de Haring comprenaient des anus, des sexes parfois bandés, des corps empilés dans des scènes aux connotations orgiaques, ses œuvres semblaient tout droit sortie des dessins animés du samedi matin. Même son petit bonhomme radieux, placé à quatre pattes, les fesses bien rebondies, semblait bien innocent. Il y a aussi dans l’œuvre de Schofield une approche très futée pour parler publiquement de sujets très intimes et parfois dérangeants. Mais est-ce une manière maligne de parler de sujets troublants ou une façon d’aseptiser l’univers sexuel? Espiègle, Schofield ne tranche pas.
Jusqu’au 18 décembre
À la Galerie Plein sud
Jusqu’au 10 décembre
À la Galerie Joyce Yahouda
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