Alfred Halasa : Le monde d'Alfred
Arts visuels

Alfred Halasa : Le monde d’Alfred

L’affichiste Alfred Halasa fait l’objet d’une passionnante exposition au Centre de design de l’UQÀM. Plus que quelques jours pour arpenter son univers…

Alfred Halasa est un professeur de design graphique comme on n’en voit plus. Ce Polonais de 63 ans, au sourire malicieux et à l’œil pétillant d’intelligence, ne cherche pas à plaire et encore moins à suivre les modes. D’ailleurs, dans son modeste bureau, trône une vieille tête de cerf, trophée poussiéreux coiffé d’une ridicule couronne en osier qui fait croire à un canular. "Ça a remporté le premier prix du concours de l’objet le plus laid organisé à l’UQÀM en 1996", plaisante le designer.

Son enseignement est à son image, totalement indépendant des diktats de la communication graphique moderne. "Ses cours sont intemporels, presque anachroniques, se souvient l’un de ses anciens étudiants, Alexandre Renzo (concepteur de l’affiche des Invasions barbares de Denys Arcand). On n’y apprend pas à connaître la réalité du marché de la communication graphique, mais on travaille fort pour apprendre à s’exprimer avec l’image en acquérant un véritable langage visuel."

C’est sans doute l’originalité et l’indépendance d’Alfred Halasa qui font la force de son enseignement. Les 4000 étudiants qu’il a formés à l’UQÀM depuis près de 30 ans sont là pour en témoigner. Certains d’ailleurs ont obtenu une reconnaissance internationale, à l’image d’Alain Lebrun, alias Lino. Ce bédéiste, peintre, illustrateur et affichiste réalise entre autres des affiches pour Air Canada et l’Opéra de Montréal, et a longtemps collaboré avec Wajdi Mouawad, lorsque celui-ci était le directeur du Théâtre de Quat’Sous. Pour ce jeune graphiste, "la leçon d’Alfred aura été de faire une affiche qui fasse appel à l’imaginaire et touche émotionnellement le lecteur. On est loin de l’affiche très narrative des plans de communication actuels, qui cherche trop à expliquer et pas assez à retenir l’attention et à produire un message fort".

Lorsqu’il commence à enseigner à l’UQÀM en 1977, Alfred Halasa a, comme il le dit, "l’intuition de pouvoir transmettre aux jeunes générations de graphistes une véritable méthodologie conceptuelle". Dans un pays qui n’a pas de culture de l’affiche comme en Europe, il va apprendre à ses étudiants à s’émanciper du réalisme de l’affiche américaine. Une affiche ne doit pas être nécessairement belle. D’ailleurs, dit-il, "un bon affichiste n’est pas toujours quelqu’un qui sait dessiner. Regardez le cas de Raymond Savignac". Pour lui, une affiche doit être simple, lisible et originale pour capter l’attention. Il utilise des phrases aussi lapidaires qu’éloquentes, comme "avec l’affiche, on comprend tout de suite ou jamais" ou "pour mémoriser, il faut simplifier pour l’œil".

L’affiche est plus qu’une image, elle devient avec Halasa la synthèse d’une société à une époque donnée. Comme le traduit Stéphane Huot, un autre disciple d’Alfred Halasa qui a notamment conçu les timbres des étoiles de la LNH de Postes Canada: "Une bonne affiche doit avoir une vie au-delà de sa fonction informative. Les gens vont vouloir l’exposer dans leur salon…"

À travers 40 affiches d’Alfred Halasa et 40 autres créées par 22 de ses anciens étudiants, l’exposition Le Monde d’Alfred nous fera entrevoir une vision de l’affiche d’un autre âge et pourtant toujours d’actualité. C’est la vision intemporelle d’une affiche qui s’inscrit dans un temps et une société donnés, une trace d’humanité, une partie de nous-mêmes…

Jusqu’au 18 décembre
Au Centre de design de l’UQÀM
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