Émili Dufour : Sa propre chasseresse
Émili Dufour présente actuellement Propos sur le motif au Centre national d’exposition. Lorsque le motif pave la voie de l’imaginaire…
À l’heure où le commerce équitable s’attaque même au problème du textile, dont les deux tiers de la production mondiale annuelle se retrouvent dans les sites d’enfouissement, plusieurs artistes prennent le parti du recyclage. Pourtant, ce serait une erreur de croire qu’Émili Dufour est engagée dans une telle campagne contre le gaspillage, même si elle a pour matériau de base des tissus imprimés. C’est plutôt une fascination pour ces tissus qui l’a poussée à en faire son support de prédilection. C’est au contenu social que véhiculent les imprimés qu’elle trouve intéressant d’insuffler une vie nouvelle. "Je veux les aimer pour autre chose que ce qu’ils sont, affirme l’artiste, qu’ils deviennent autre chose que du tissu…"
C’est en particulier le motif, investi d’un sens communément partagé, qui influence le travail figuratif de la créatrice. Le rapport sensible, souvent en lien avec les souvenirs, qu’entretiennent les gens avec les différents motifs qu’ils observent permet à ses images une certaine ouverture aux autres. C’est là que ses dessins s’insinuent, tout personnels, à mi-chemin entre l’autoportrait multiple et la scène de genre. Ils deviennent des sentiers qui donnent accès à l’univers presque mythique de Dufour, où la séduction est une chasse et où la proie et le traqueur sont étrangement liés. Comme si Dufour était à la fois la chasseresse et sa propre proie. Le spectateur, lui-même à l’affût du figuré qui se camoufle dans le motif comme une bête dans un buisson, aura parfois l’impression de se retrouver devant une version moderne d’une tapisserie qui ornait autrefois les pièces sombres des châteaux. Dufour trouve étrange de savoir que les gens décoraient leur environnement avec des tissus représentant des scènes de genre, ce qui alimente beaucoup sa réflexion.
Alors que pour ce projet le tissu était d’abord le premier élément esthétique, creuset de la naissance des scènes qu’elle avait imaginées, il a ensuite laissé la place à une toile blanche où le motif est devenu l’œuvre de l’artiste, une peinture rythmique et mélodieuse qui trompe l’œil. C’est justement dans cette direction qu’elle cherche à progresser dans sa démarche artistique: s’inspirer du textile pour créer son propre jeu de motifs et ainsi faire plus confiance à la peinture.
Jusqu’au 15 janvier
Au Centre national d’exposition
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