ENFIN K.-O.
Dans le coin gauche, champion poids plume depuis l’enfance, celui qui a été de tous les combats sans jamais se dégonfler, The Balloon Clown! Le maître de piste, Scott S. Yoell, provoque l’auditoire. Oserez-vous affronter ce redoutable adversaire à la fiche parfaite, qui chaque fois se relève? Le spectateur est invité à monter sur le ring, soudaine vedette de ce cirque étrange, où il plonge dans une ambiance sonore rappelant la clameur d’un public presque présent, excité, désireux de voir s’étaler l’un des antagonistes. Contre un mur adjacent, une deuxième projection, inquiétante: les ruines embrumées des précédents matchs, d’où l’on craint de voir ressurgir le spectre des clowns passés à tabac, ou peut-être des visiteurs zombies qui sont tombés au combat.
À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire; aussi aurez-vous peut-être le cœur contrit au sortir de la salle, coupable d’avoir savouré la défaite de ce clown pourtant sans malice. Mais au fond, le véritable vainqueur est Yoell, qui aura réussi à vous imposer les règles de son propre jeu. L’installation vidéo interactive The Evidence of Things Unseen, présentée à la Galerie L’OEuvre de l’Autre jusqu’au 1er février, réussit justement parce que le sentiment qu’elle provoque perdure. Votre regard n’aura jamais été aussi frappant.
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LÉCHÉ TIMBRÉ
Steven Renald: Se déchausser, c’est un peu se mettre à nu. Marie-Josée Hardy |
Les missives de Steven Renald, un épistolier hors du commun, ne cessent jamais leur voyage. Elles vont, reviennent, errent peut-être entre les deux. Même avec une halte à Tryptik, s’adressant à de nouveaux destinataires, elles ne cessent leur périple que pour nous laisser voyager à notre tour. Pas à pas, nous découvrons des enveloppes qui portent les traces de leurs aventures; plaquées du sceau de la poste, oblitérées ou sales, pliées ou racornies, elles arborent leur vécu sans vergogne, même avec un semblant de fierté, comme un chenapan montre volontiers une cicatrice, preuve de ses exploits d’aventurier.
Le facteur en a eu plein les bras de l’œuvre de Renald. Parmi 100 enveloppes postées, 59 ont porté fruit, autant de destinataires ayant accepté de correspondre à l’artiste, de perdre pied à sa suite, laissant libre cours à leur expressivité, se mettant à nu, s’exposant, affranchis, sur une nouvelle enveloppe… Certaines réponses reposent au pied du mur, d’autres flottent, titillant la main du passant cherchant à vivre un nouveau voyage.
L’absence de retour étant aussi une réponse, les correspondances perdues ne sont pas oubliées. Leur fantôme laisse sa trace parmi les autres, créant une brèche dans l’œuvre, ouverte par pudeur.
Post-scriptum: Se déchausser, c’est un peu se mettre à nu, jusqu’au 3 février.