Paul Desborough : Laque « décoiffante »
La peinture de Paul Desborough et un vidéo de Nancy Belzile sont à l’affiche du Centre Clark. Ils démontrent la vitalité et la nécessité des centres d’artistes.
La grande majorité de l’art produit de nos jours à travers le monde est pensé pour les musées ou pour les riches collectionneurs. Au Canada et au Québec, une partie importante de la création échappe heureusement à cette contrainte. Nous ne dirons jamais assez comment, grâce aux systèmes de subventions et à la vitalité des centres d’artistes (qui ne sont pas dans la nécessité de vendre les œuvres des créateurs qu’ils présentent), les créateurs d’ici peuvent encore se permettre de produire plus librement, d’expérimenter sans avoir à penser à la rentabilité de leur œuvre. Sans compter que ces centres d’artistes permettent parfois à des étrangers de présenter des propositions surprenantes.
C’est le cas de l’installation picturale intitulée Wrist Action: Marking Time in Stretch Marks, Paint and Plunder, montée au Centre Clark par l’artiste écossais Paul Desborough. Celui-ci y est venu faire une résidence et nous montre le résultat de ses travaux. La partie centrale de son intervention se présente comme une sorte d’explosion de peinture, comme si un gros, un gigantesque ballon plein de pigment noir avait explosé dans la galerie, laissant des traces sur tous les murs.
À notre époque où l’art devient très propret, ou bien dépeigné comme le serait un mannequin dans une pub de Calvin Klein, j’aime bien cette peinture explosive qui revêt les allures du vandalisme. Une table à moitié affaissée sur le sol appuie cette idée que le local d’exposition a subi une catastrophe. Il est rare de nos jours de voir un art exprimant une intelligence révoltée. L’art fait bien souvent dans la joliesse, et cette installation renoue avec un désir de casser l’embourgeoisement de l’espace d’exposition, grand cube blanc aseptisé. À l’heure où l’art ressemble de plus en plus à de la pub de mode, cette intervention tente de décoiffer le visiteur. Elle pourrait très bien porter le titre de Big Bang utilisé pour la réinstallation des collections d’art moderne du Musée Pompidou à Paris.
Il faudra aussi voir, dans la petite salle du Centre Clark, le vidéo de Nancy Belzile. Dans ce film tourné en Super 8 et numérisé par la suite, Belzile nous montre un diable cornu (tiré d’une gravure de Dürer), des ombres de racines qui prennent des allures d’insectes, des rapaces qui tournoient dans le ciel… Dans Les Motifs de la fuite, Belzile traite de nos rapports à la mort. Elle se réfère à un livre du biologiste et philosophe Henri Laborit (Éloge de la fuite) où celui-ci explique comment la création trouve un de ses moteurs dans le désir d’éviter une totale disparition. Cette projection fait bien sûr penser au travail de William Kentridge, que le public montréalais a eu le bonheur de voir au Musée d’art contemporain il y a déjà un an. Néanmoins, sa pièce ne manque pas de qualités visuelles et d’intelligence. Je surveillerai avec attention la suite de sa production vidéo qui vient prolonger judicieusement un travail graphique déjà solide.
Jusqu’au 25 février
Au Centre Clark
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