Diane Smith : S’inscrire dans le cosmos
Les sculptures de Diane Smith, dans l’exposition Bords de l’être, constituent l’émouvant témoignage de la quête d’appartenance physique et psychologique d’une femme de son temps.
Les sculptures de Diane Smith sont émouvantes, imposantes et fragiles à la fois. Avec son exposition intitulée Bords de l’être, l’artiste révèle un cheminement intérieur lié à la quête d’identité et d’appartenance. Quelle est la nature de notre lien avec l’Autre? Sommes-nous ultimement seuls face à l’univers?
Sans titre (série Porte), 2003 (image ds2575), 204 x 70 x 3,5 cm. Porte récupérée, surface meulée et découpée; crayon de couleur. |
Diane Smith a entrepris un périple intérieur qui l’a menée à examiner ses relations interpersonnelles, ses repères et interdépendances tant physiques que psychiques. Anthropologue dans l’âme, elle raconte s’être rendu compte de ses propres limites lors d’un cours d’art à l’université: "Pour la première fois, je me sentais à ma place, autant sur le plan émotif que social." La portée significative de cette prise de conscience a conduit l’artiste à pousser la réflexion plus loin et à investiguer sur la complexité des liens qu’une personne tisse en société. "J’ai toujours été intéressée par les personnes, par leur culture et leur vécu. Je veux savoir quel est leur film préféré, leurs habitudes, pour comprendre leur vie émotive et psychologique." Ces nombreuses observations et expériences ont façonné la vision de l’artiste: "Au départ, j’ai cru que c’était une énergie qui me guidait. Ensuite, j’ai pensé devoir transmettre un message. Mais maintenant, mon travail est centré sur moi-même. C’est moi qui bûche pour découvrir c’est quoi la vie."
Quand on pénètre dans la salle du Centre d’exposition Art-Image, une grande sculpture de bronze évoquant un corps incomplet fait stoïquement face au visiteur. Assemblée à partir de feuilles de bronze soudées, l’œuvre, semblable à une armure, arbore de multiples marques, des meurtrissures, et les portions manquantes laissent pressentir la fragilité suscitée par l’effritement graduel de la matière. Malgré les pieds solidement ancrés, les chevilles craquelées témoignent d’une lutte pour échapper à l’emprise de l’imposant socle. "La vie est difficile et il se passe tellement de choses autour de nous", exprime Smith en référence aux visibles ecchymoses présentes sur la sculpture. Les œuvres comportent de nombreuses références aux oppositions intérieur/extérieur, clarté/sombre, force/fragilité, vie/mort. Ces contradictions forment la base d’importants questionnements datant de temps immémoriaux.
Adossées aux murs, sept portes montent la garde. Chaque porte de couleur noire a été grattée, lacérée ou tracée pour former le contour d’un corps tantôt évidé tantôt délicatement marqué. Le corps est bien sûr celui de l’artiste, qu’elle a tracé elle-même, question de trouver sa "limite". À partir de ce contour, tout est possible. C’est le point de départ. Et pourquoi des portes? Il y a indubitablement la métaphore des espaces clos et de l’ouverture vers l’inconnu. Toutefois, le support devait originalement consister en de grandes surfaces de papier. À court de papier, Smith s’est rabattue sur une porte qui traînait dans son studio. Eurêka! Le médium devient ainsi partie intégrante du message. Deux rideaux diaphanes récupérés sont placés en retrait tout au fond de la pièce. Par de délicats frottis au graphite, l’artiste a transféré les images des portes. Les figures ainsi reproduites aspirent à la délivrance du monde matériel et oscillent au gré des courants d’air occasionnés par les déplacements des visiteurs. Une note d’espoir donc!
Jusqu’au 12 mars
Centre d’exposition Art-image
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