SUR LE DÉPART
Entrer à Séquence, depuis que Patrice Duchesne y a installé son chantier, c’est faire un voyage – probablement le moins onéreux de votre vie – dont la ligne n’est pas toute tracée à l’avance. Première escale : une incursion dans l’imaginaire de l’artiste à partir de ses immenses dessins, autoportraits dont les linéaments sont détournés. Conçus à partir de polaroïds, ils gardent la trace implicite et subtile de différentes actions portées par l’artiste lors d’événements artistiques passés.
Alors que la ligne court du dessin à l’installation, fuyant dans tous les sens en un feu d’artifice bigarré, l’excursion continue et offre au visiteur le paysage saisissant d’un chantier irisé. Là, tous les chemins sont bons: le cœur battant la chamarrure, il est permis de se fourvoyer, et même de s’y dévoyer si le cœur y est. Parmi un florilège d’objets de toutes les couleurs, comme devant un joyeux foisonnement microbien, le visiteur deviendra prospecteur, à la recherche d’un sens qui ne lui est pas donné. De surprise en surprise, d’un contenant à l’autre, il trouvera des agencements à la fois ludiques et lucides, parfois bouleversants.
La dernière étape du périple donne sur une nouvelle autoreprésentation, cette fois vidéographique, où l’image de l’artiste est encore corrompue, voire pervertie, par un jeu de miroir déformant. Duchesne y fait le décompte des coûts de différents voyages, préoccupation importante chez lui en ce moment puisqu’une occasion intéressante lui est offerte à Vancouver, invitation qu’il craint de ne pouvoir accepter, faute de moyens financiers. "C’est d’une certaine façon un peu plus dramatique, affirme Duchesne, puisque souvent, mes trucs sont plus ludiques, très amusants quand on les regarde dans l’ensemble, mais quand on s’approche, on voit des détails, des trucs plus dramatiques qui se trament."
Vous pouvez faire votre propre voyage sur le circuit de l’imaginaire de Duchesne jusqu’au 26 février, à la Galerie Séquence.
DE COMMERCE AGRÉABLE
Gennaro de Pasquale et Sébastien Lapointe: leur imposture est assumée et présentée comme telle.
Gennaro de Pasquale et Sébastien Lapointe: leur imposture est assumée et présentée comme telle. Photo: Marie-Josée Hardy |
C’est parfois un étrange commerce que l’art contemporain, surtout pour ceux qui n’ont que le profit à l’esprit et qui dénigrent parfois un travail qui semble invendable. D’un commerce plutôt agréable, Gennaro de Pasquale et Sébastien Lapointe sont venus présenter au Lobe ce qui, à petite échelle, pourrait être envisagé comme une application de la convergence. Sous le dôme intrigant de leur marque de commerce, Soap Method, devenu le symbole presque religieux de leur mouvement, ils invitent les spectateurs, chalands forcés, à prendre conscience de tous ces besoins qu’ils ne connaissaient pas encore. Le duo de débiteurs offre toute une gamme de méthodes faites sur mesure et de modèles de guérison pour des tares qu’ils nous aident à reconnaître; du test de personnalité à la recette pour l’expiation, tout y passe, jusqu’aux produits dérivés comme le dvd, conçu et mis en vente pour l’occasion. Ils proposent donc une réflexion complexe, sans réponse toute faite, sur la manipulation commerciale ou médiatique, mais aussi sur le mensonge, qui a sa place sur le présentoir de notre vie quotidienne.
Sur un mur est projeté en boucle un montage vidéo, résultat d’un travail de sampling ayant pour matériau principal certains soaps américains et ne présentant que le spasme précédant la parole des acteurs. L’ambiance sonore, quant à elle, se résume à une méthode pour arrêter de mentir, conçue à partir d’un disque vinyle trafiqué qui était à l’origine intitulé Comment arrêter de fumer. Partout dans la salle, les deux boutiquiers, revendeurs d’art cherchant peu à être convaincants, ont disposé tout leur bazar comme s’il s’agissait de l’étalage d’une marchandise plutôt factice qu’alléchante. Essais gratuits et dégustation, tout est mis en œuvre pour exciter le désir des clients.
Le mensonge échafaudé par les deux artistes ne cherche pas à convaincre mais plutôt à nous mettre en face de situations exagérées. Si le spectateur accepte de se laisser mystifier, c’est seulement parce que l’imposture des artistes est assumée et présentée comme telle. Jusqu’au 28 février, au Lobe.